Vérités et mensonges sur le recyclage !

L’heure n’est plus à la critique généralisée des déchets d’emballages, cible facile parce que pollution visible, mais bien au développement d’une approche motivante pour faire comprendre qu’il ne s’agit que de matière première que l’on redonne à notre planète…

Un article exhaustif de Fabrice Peltier président de la DesignPack Gallery à Paris.

Tout y est…

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L’emballage n’est pas un déchet !

Tout le monde semble avoir oublié à quoi sert un emballage…

Les estimations de la FAO montrent que selon les pays entre 20 et 75 % des denrées alimentaires sont perdues. En Europe, par exemple, jusqu’à 30 % des aliments sont gâchés, soit près de 71 millions de tonnes par an, près de 300 kg par habitant ! Les chiffres sont cruels car ils ne trompent pas : plus l’emballage est développé dans un pays, moins il y a de pertes ; c’est inversement proportionnel… Dans les pays sous développés, malgré la faim qui est la première cause de mortalité enfantine, le premier consommateur d’aliments est hélas la poubelle.

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La principale fonction de l’emballage est de conserver ce qu’il contient : c’est un contenant qui protège durablement un contenu. Deux éléments méritent d’être rappelés :

 Le premier est purement physique : s’il protège ce qu’il contient, l’emballage évite les gaspillages. Qu’est-ce qui est le plus irresponsable : gaspiller des produits alimentaires ou, éventuellement, gaspiller du matériau d’emballage ?… Depuis l’invention de la boîte de conserve au XIXe siècle, le packaging a sauvé des milliards de vie et il est, dans la plupart des cas recyclable ; c’est en cela qu’il est totalement responsable.

 Le second est l’utilité du packaging trop souvent oubliée dans les pays occidentaux : le commerce. Sans emballage, pas de commerce… L’emballage a permis et permet encore de développer les échanges Est-Ouest, Nord-Sud, de denrées alimentaires. Se dire qu’il n’existe pas de packaging responsable, c’est une approche de « bobos »… ! Lorsque nous disposons de tout à volonté, il est décidément bien difficile de distinguer le superficiel, de l’essentiel.

Il se trouve que le packaging a un défaut majeur, celui d’être visible, dans le caniveau, dans les champs et lorsqu’il déborde de nos poubelles. C’est une pollution visuelle. Mais le problème ne porte pas sur la responsabilité ou l’irresponsabilité du packaging ; il s’agit juste d’une question « d’éco-responsabilité » des industriels et des consommateurs. On se donne donc bonne conscience quand on « attaque » le packaging pour éviter d’aborder la véritable question : celle de notre façon de sur-consommer.

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Consommons mieux et trions mieux

Tous les pays développés sont en état de sur-consommation. Le problème de l’emballage s’il en est, n’est qu’une résultante de notre sur-consommation chronique. L’Europe consomme aujourd’hui trois fois ce que la terre est capable de produire ; les États-Unis cinq fois… Si les Chinois se mettent à produire autant que l’Europe, la planète ne pourra pas suivre… Il faut donc revoir nos modèles. Lorsqu’il y aura moins de consommation, il y aura de facto moins d’emballages.

Dans l’Allée du Recyclage, nouvel espace d’exposition dans les couloirs du métro Parisien, créé pour encourager le tri et le recyclage des emballages, ainsi que la mise en valeur des bonnes pratiques de prévention et de réduction des déchets, le WWF nous invite à agir tous ensemble pour contribuer au changement. Les trois propositions présentées sont simples et applicables dès aujourd’hui par les industriels et les consommateurs :

Limitons :

 notre consommation à ce dont nous avons vraiment besoin.

 l’utilisation des ressources naturelles et d’énergie pour produire nos biens et leurs emballages.

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Choisissons :

 des offres socialement et écologiquement responsables : locales, non toxiques, renouvelables, labellisées et durables.

 des produits qui utilisent le moins d’emballage possible.

Trions :

Les emballages usagés en respectant les consignes de tri : l’emballage, que nous déposons dans le bac de tri sélectif, est recyclé !

Aujourd’hui, grâce à l’engagement collectif depuis 1993, 63 % des emballages ménagers sont recyclés en France. C’est bien, et pourtant c’est loin de l’objectif de 75 % qui est fixé par les pouvoirs publics pour 2012. Gagner ces douze points prendra sans aucun doute beaucoup plus de temps, car cela ne se fera pas sans une modification profonde de notre vision de l’emballage en fin de vie.

Faire un don de matière recyclable

Un des enjeux du XXIe siècle pour la survie de l’humanité va être le traitement des déchets industriels. Dans le cas des emballages, le zéro déchet n’est pas une utopie. La toute première chose à faire est tout d’abord de ne pas parler de déchets d’emballages, mais de matière première à recycler.

Il faudrait d’ailleurs inventer un mot universel qui distingue les déchets ultimes, ceux dont on ne sait encore rien faire, que l’on stocke dans des trous, un héritage honteux que nous laissons aux futures générations, de ceux que l’on sait recycler, comme les emballages en particulier. Tout ce qui se recycle ne doit plus être considéré comme un déchet, mais comme de la matière recyclable !

De la même façon, jeter un emballage vide, ne doit plus être perçu comme un geste d’abandon, mais comme un don. Mettre un emballage usagé dans un bac de tri sélectif est un don de matière première qui va servir à redonner une vie à autre chose.

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Explorer de nouvelles façons de recycler

Lorsque nous lisons la maxime de Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne crée, tout se transforme », reprise dans la communication d’un grand nombre d’acteurs du recyclage, il y a deux manières de l’interpréter.

La première et la plus répandue, est de revenir à la case départ, c’est-à-dire transformer ce qui a été créé en matières premières : recycler la matière pour refaire du matériau. Mais cela a un coût tant environnemental que financier.

La seconde est de créer quelque chose de nouveau à partir de l’objet à recycler.

Il y a dans ce domaine un champ infini de possibilités qui s’ouvre devant nous. Nous pouvons même désormais créer des choses en imaginant en même temps leur transformation future. Dans ce domaine, tout est à inventer. Par exemple, prenez un emballage Tetra Pak, c’est à 70 % du papier, de l’aluminium et du plastique. C’est un emballage recyclable, une belle ressource pour sa pâte à papier.

Mais c’est aussi un matériau étanche, solide et flexible etc. Plutôt que de le transformer en pâte on pourrait trouver d’autres débouchés. Nous pourrions coller les feuilles entre elles pour s’en servir de matériaux d’isolation dans le bâtiment par exemple. La réutilisation d’un produit à une autre fin que celle initialement prévue est aussi une forme de recyclage. Pour aller encore plus loin, nous devons désormais créer les produits en pensant aux différents usages qu’ils pourront avoir dans leur deuxième, voire leur troisième vie…

Certains observateurs appellent cela le « upcycling », une sorte de recyclage vers le haut. En faisant du neuf avec du vieux, on prolonge le cycle de vie du matériau en minimisant considérablement l’impact écologique de l’opération de recyclage. Un emballage « hyper –responsable » est celui qui offre plusieurs solutions de transformations, pour disposer de plusieurs vies. La révolution industrielle du XXIe siècle, elle est là.

Tout réinventer à partir de ceux dont nous disposons

En fait, il faut tout réinventer… Quand vous regardez les emballages d’aujourd’hui, plus de 80 % d’entre eux ont été inventés entre 1860 et 1950. Or, que reste-t-il aujourd’hui dans nos poches, dans nos vies, de ces années-là ? Même nos maisons sont obsolètes. Il faudrait totalement les reconstruire pour qu’elles soient HQE (haute Qualité Environnementale).

L’éco-conception, l’éco-design sont devenu un « minimum syndical », les bases fondatrices de ce que l’on doit réinventer. Tous les experts du monde peuvent prendre le problème par tous les côtés, tous arriveront à une même conclusion : on ne peut continuer comme cela ; il faut réinventer un modèle, un modèle basé sur l’énergie et les ressources disponibles aujourd’hui. Et en matière de ressources, il est une chose certaine, les produits à recycler sont désormais le plus gros gisement planétaire dont nous disposons. Il suffit juste de se baisser pour les ramasser…

D’où la nécessitée de démontrer au grand public que même un déchet d’emballage a de la valeur, dans la mesure où il est correctement trié.

Traduire cette mission à travers une démarche artistique, hors tout propos culpabilisateur, est une manière à la fois originale et pédagogique de montrer l’intérêt du geste de tri, pour mieux recycler…

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