Christophe Pradère, brillant Ceo de l’agence Betc Design est à l’aise dans les domaines des produits de luxe. A ce titre il a été couronné de plusieurs Pentawards.
Pour son premier article sur AD, Christophe donne son point de vue sur la nécessité d’être présent sur son marché national pour mieux exporter et longtemps.
Comment être fort à l’étranger sans renier son marché d’origine ?
On connaît l’état du succès des cognacs sur les marchés à l’export et il est intéressant de constater que de nombreuses marques françaises y contribuent. En même temps ces marques semblent faire peu d’efforts pour reconquérir le marché français, les cognacs ont du mal à regagner la confiance de nos concitoyens, spécialement confrontés aux nouvelles lois sur la consommation d’alcools et qui peu à peu se sont éloignés d’une dégustation traditionnelle à la fin des repas.
Reste aujourd’hui que le cognac n’a pas retrouvé un autre moment de consommation dans l’art de vivre français. Sur le long terme est-il possible de se développer à l’international sans pour autant laisser de côté son patrimoine, les fondations de son imaginaire, ses origines ?
En tant que designer, force est de constater que le packaging est un atout incontournable pour conquérir les marchés internationaux. C’est à la fois un outil pour incarner l’expérience d’une marque mais aussi adopter le produit et en faciliter son appropriation par des publics non initiés. Mais comment dans ce cas ne pas perdre des consommateurs sur son marché d’origine ? En effet dans un marché de globalisation, il est logique que les marques s’adaptent à leur marché de destination mais cela ne doit pas être au détriment de leurs racines. Il faut être attentif à ne pas lisser sa personnalité, perdre son caractère sous couvert d’universalisme et se réfugier dans la seule valeur badge de sa marque.
Aujourd’hui être universel me semble être avant tout soi-même et il me paraît plus qu’essentiel de ne pas oublier la genèse de son histoire.
Quand une marque de cognac ou de luxe se coupe de sa relation à son marché d’origine, elle prend le risque de devenir un produit essentiellement marketing et de faire de son patrimoine un seul argument commercial. Il se peut qu’elle ne soit achetée que pour sa valeur statutaire, c’est à dire pour sa valeur badge au risque d’appauvrir la relation qu’elle détient avec ses consommateurs.
En soi, une marque de luxe se doit d’être plus intemporelle qu’une marque de mode. Elle doit garder active sa relation à sa culture d’origine, celle qui l’a façonnée, et se nourrir de ses mutations. Pour conserver son énergie, il est fondamental pour une marque de garder une relation forte à son histoire, sans pour autant être traditionnaliste, et en évitant l’écueil d’un nationalisme/et régionalisme primaire.
Dans leur entreprise de conquête de nouveaux marchés, au delà des simples événementialisations de leurs offres par de nouveaux packagings, il est capital pour nos marques qu’elles sachent rester concentrées sur l’idée de régénérer leur patrimoine par de nouveaux rituels de consommation et d’usage.
