Le packaging ? Le design d’actualité…

Gérard Caron a présidé à la création de plusieurs milliers de packaging pour de nombreux marchés du monde en Europe, au Japon, aux Usa…

Pour Admirable Design il donne son point de vue sur cette forme de design souvent sous-estimée : le design packaging.

Le packaging ? Le design d’actualité…

D’abord deux bonnes vérités souvent oubliées, au sujet du design packaging.

Designers de packagings

De tous les domaines du design, de tous les métiers de cette discipline, le packaging est le plus grand pourvoyeur de jobs ! Le nombre de designers œuvrant sur les produits de consommations qui garnissent les linéaires de nos hypermarchés est considérable. Songez au nombre de designers nécessaires pour dessiner les courbes d’un flacon de parfum, pour imaginer la photo « lumière naturelle » (reconstituée !) d’un plat cuisiné (lui aussi reconstitué pour les besoins de la cause), pour projeter le style de l’illustration qui représentera une nouvelle couche-culotte ou pour sélectionner la typographie destinée à l’étiquette d’un cognac hors d’âge, etc.

Tout est matière à design dans le domaine du packaging. Tout. A méditer au moment des choix de carrière, non ?

La seconde vérité elle est purement qualitative : le designer packaging est de tous les professionnels du design celui qui doit être le plus informé des tendances, des nouveaux goûts du consommateur, de l’actualité télévisuelle ou « people » afin d’être en mesure d’habiller dans l’esprit du moment des produits sans cesse renouvelés. Daté, le produit ne se vend plus, trop dans l’environnement du marché, il ne se distinguera pas de la concurrence, trop avant-garde il déroutera le consommateur ! Il faut posséder toutes ces données pour trouver le design juste. Et cela dans un renouvellement constant.

Vous me direz qu’il en est de même quand il s’agit de créer un canapé, une automobile, un magasin de fringues… Certes, mais notre designer packaging lui, doit être capable d’inventer à un rythme que ne connaissent pas les autres métiers du design, à l’exception des designers de mode. Certains emballages destinés aux enfants se renouvellent deux à trois fois par an suivant les nouvelles têtes ou mangas diffusés dans leurs émissions fétiches ! Il faut adapter les packagings au look des derniers héros.

Le packaging ? Le design le plus proche de l’actualité…

Au Japon autre grand pays de design de produits, les packagings doivent se renouveler chaque année, seule condition de survie commerciale auprès d’une clientèle qui ne s’intéresse qu’aux nouveautés. Usant. Il y a une bonne raison à cette frénésie créatrice.

En effet, n’est-il pas plus simple, plus économique et plus rapide de renouveler un packaging plutôt qu’un produit ? Coca-Cola, pour n’en citer qu’un, l’a fort bien compris. Pour cette boisson à la recette plus que centenaire, des agences de design de part le monde, travaillent sans cesse à de nouveaux décors de canettes pour suivre l’actualité locale, ou événementielle.

Le packaging est bien la forme de design qui suit de plus près l’évolution du monde médiatique par excellence. Pour avoir présidé à la création de près de 13 000 packagings, je peux affirmer que les designers de cette discipline, au moins pour les plus authentiques d’entre eux, sont des esprits particulièrement curieux, touche à tout, passionnés par la matière, la forme, les images et qu’ils sont préoccupés des comportements de l’utilisateur.
Vous pouvez leur parler de tout, ils ont une idée sur tout ce qui les entoure…

Pourtant, les questions qu’ils se posent reviennent sans cesse, toujours les mêmes.

Qui est-il véritablement mon consommateur ?

Que faire pour qu’il tende la main vers mon produit plutôt que vers celui du concurrent, produit aux performances similaires ?

Faut-il rendre visible le produit lui-même, par un emballage transparent ? Ou par une mise en scène photographique originale ? A moins qu’un dessin stylisé force le trait avec succès ?

Comment me démarquer de la concurrence si active ?

Dois-je casser les codes du marché ou innover tout en les respectant ?

Jusqu’où la marque est-elle prête à aller ? Et l’utilisateur lui ?

Mon design va-t-il réaliser de bons scores aux tests des consommateurs ?

Etc.

L’angoisse de la feuille blanche ou plutôt de l’écran de Mac vierge, existe bien.

Le paradoxe est que ces questionnement ne doivent pas générer de stress et d’ennui ! Le tout doit être joyeux, vivant, donner envie, surprendre suffisamment (pas trop), être qualitatif, parfait… Car la passion, le plaisir cela se transmet, cela transpire dans la création aussi vivante qu’est celle d’un packaging.

Designer de packaging mon frère, tu seras sans cesse en cession de rattrapage toute ta vie, tu ne devras pas arrêter de t’intéresser à ce qui ce passe dans l’actualité du monde a en anticipant pour après-demain, mais pas plus… le consommateur n’y est pas encore préparé. A toi à réactualiser tes connaissances en continue, à te réactualiser aussi.
Eprouvant ? Non ! Excitant.

Et si tu n’éprouves plus cette « faim de l’autre », passe ton chemin. Dessine de canapés, des lampes, des vases. Les cycles de renouvellement y sont plus longs !

J’ai conscience de brosser un portrait idéal du designer de packaging. Pourtant j’en connais de nombreux de ce profil. Des fendus de nos métiers qui voyagent, comparent, prennent des photos discrètement dans les supermarchés sur leurs lieux de vacances, mangent des tonnes de pâtes quand ils travaillent pour Panzani, se mettent à la bière quand ils planchent pour Heinecken et s’hydratent la peau matin et soir quand il s’agit de créer le futur pot de crème anti-âge de Lancôme…

La bonne création part d’une motivation sans faille, quitte à se transformer en testeur soi-même !

Ah ! Les briefings marketing…

Imaginer, créer, trouver l’idée qui colle à ce foutu « brief » qu’un chef de produit formé à la gestion aura pondu entre deux réunions marketing.
Se motiver, repartir après un échec, trouver des idées nouvelles pour répondre aux résultats d’études de consommateurs, quand il faut combiner les items positifs de la maquette A avec ceux de la maquette B… au risque de donner naissance à un packaging Frankenstein.

Le marketing est omniprésent dans ce livre et à juste titre.
Si les designers packaging de talent sont des espèces recherchées, celui de « designer de briefings marketing » ne le sont pas moins. Les responsables de marques de ce calibre sont carrément une espèce rare. Leur complicité pourtant est nécessaire.

Une plate-forme marketing accompagnée de réunions, d’études préalables, doit être une source d’inspiration, une sorte de piste de décollage pour le designer. Celle qui donnera des ailes à son inspiration. Pour autant les contraintes de fabrications, de coût, de délais e
t de marketing y figureront , en bonne place.

Je me rappelle un de mes clients japonais qui me demandait de lui créer un packaging de parfum 100 % français, sans autre forme de contraintes. Impossible d’obtenir plus de précision ! Inutile de dire que je fus incapable de créer quoi que ce soit…

Il n’est de design sans contraintes commerciales. Ou alors, parlons d’art !

La magie du tandem marketing et design, ou agence et marque tient dans l’osmose qui se créera autour du nouveau concept de produit.

Les responsables marketing de la marque sauront-ils donner suffisamment d’ouverture aux créateurs pour qu’ils explorent des voies nouvelles ? Pour éviter les packagings mee-too ? J’ai l’habitude de dire que pour un budget constant, le designer peut produire une création de valeur 150 comme une création de valeur 70. Ceci est dû à un travail inconscient lié au degré de motivation, de confiance qui lui est accordé. Cela détermine son degré de prise de risques, de responsabilités et donc de son engagement personnel.

Quant aux agences de design, sauront-elles comprendre les attentes et les enjeux profonds de la marque ? Et les désirs non exprimés du consommateur en matière d’innovation ? Ce, sans dépasser l’invisible petite ligne rouge qui dérouterait les habitudes du marché et qui serait synonyme d’échec commercial ?

Une approche professionnelle qui conjugue les intérêts des trois partenaires dans le processus de création d’un packaging s’impose. La marque, le designer et le consommateur, pris dans le désordre, sont les acteurs des plus belles réussites du métier.