Qui n’a pas eu l’envie à un moment ou à un autre de lancer sa propre agence de design avec un copain ou deux , autour de Mac ?
Il se trouve dans Admirable Design des opinions et des avis sur des histoires vécues par ceux qui ont déjà tenté l’aventure. Car toute expérience est bonne à étudier à défaut d’être suivie …
Un de nos visiteurs nous a signalé une interview qui est parue sur le site IBM (France) Entreprise d’un designer français qualifié de « Pape du Design ! » et qui donne le conseil suivant : » Pour développer votre entreprise, le plus payant, c’est la générosité ». Pape et philosophe, c’est beaucoup pour un seul homme ! Quand on a su qu’il s’agissait de notre rédac chef, Gérard Caron, on a pas pu résister à l’envie de publier cet article… pendant ses vacances ! Un peu de sagesse dans ce métier de fous furieux ( !) cela ne peut pas nous faire de mal.
Et puis, tous comptes faits, cela lui a plutôt réussi, non ?
Alors …
Gérard Caron, c’est l’homme aux mille logos. Parmi toutes les marques qui animent notre quotidien, le jeu consiste à trouver celle dont il ne se serait pas occupé. En quarante ans d’activité, « Le pape du design » a fait beaucoup de choses, mais se défend de les avoir faites tout seul. « Une bonne idée, c’est une idée à partager, le succès, c’est de la générosité qui rapporte ».
Aujourd’hui c’est avec la même curiosité et la même modestie qu’il continue à inventer les nouvelles formes de son métier. De l’entreprise considérée comme un savoir-vivre…
Gérard Caron, l’homme aux mille logos. « Une bonne idée, c’est une idée à partager, le succès, c’est de la générosité qui rapporte ».
Devenir fondateur d’une agence de design …
Gérard Caron, comment avez-vous eu l’idée de créer la première agence de design française ?
Au fond, l’idée n’est pas de moi, elle vient plutôt de mes clients. Cela s’est fait pour ainsi dire « à la demande générale ». J’étais publicitaire en agence et en travaillant sur des lancements de nouvelles campagnes, on me glissait en aparté : « Vous savez, notre packaging n’est pas folichon, alors si dans la foulée vous pouviez nous arranger ça.
C’est comme notre logo, vous n’auriez pas des idées »… il y avait bien des designers spécialisés, mais ils se comportaient avant tout en artistes. personne n’avait une approche marketing du travail, ouverte sur les attentes des consommateurs ou sur les codes de la concurrence. Le premier média d’une marque, c’est son produit. Cette idée simple, qui est une évidence aujourd’hui, m’a incité à échanger sur ce sujet avec trois autres compères de l’agence : Carré Noir était né !
Comment lance-t-on une activité aussi innovante ? quels étaient les obstacles, comment les avez-vous surmontées ?
Nous n’avons rien laissé au hasard et n’avons dévoilé notre projet qu’au moment où il était entièrement finalisé. Nous avons établi ensemble une méthode de travail très rigoureuse : réunions régulières, comptes-rendus, un rapporteur responsable pour chaque sujet. Il fallait inventer un nouveau métier, de nouvelles façons de travailler, de nouveaux outils. Mais aussi importer les bonnes pratiques, notamment des USA. La période de gestation a duré plus d’un an, mais Carré Noir est sorti de l’ombre en une journée.
Comme tous les pionniers, nous avons été confrontés à un problème simple : ce n’est pas parce que vous avez détecté un besoin que le marché existe. En clair, les entreprises n’avaient pas de budget alloué pour ce type de prestations. Il nous fallait procéder par comparaisons pour rogner sur les autres investissements : « pour le prix d’une page dans Elle », nous pouvons créer l’identité graphique et le packaging de votre produit ». Ensuite, quand vous innovez, vous intéressez tout-le-monde, mais personne ne veut être votre premier client. Il faut coûte que coûte réussir à construire un cas. C’est Lotus qui nous en a donné l’opportunité. Nous avons accompagné cette marque pendant plus de quinze ans.
Comment fait-on pour développer la notoriété d’une entreprise comme vous l’avez fait ?
Je pense que la notoriété n’est pas un objectif en soi, c’est le résultat d’une action, d’une façon d’être. En dehors du développement de l’agence, je me suis toujours beaucoup investi pour expliquer le métier, donner notre vision, promouvoir la profession dans les entreprises, les écoles, les médias et auprès des pouvoirs publics.
C’est une démarche spontanée de transmission du savoir qui me tient à coeur. Un côté missionnaire. Il n’y a pas de calcul. Je crois simplement à la vertu du didactisme. On n’oublie jamais ses professeurs. Plus encore, quand ils ont su nous faire partager leur passion, on se sent redevable.
Aujourd’hui, vous avez rompu avec le modèle des grandes agences et choisi un mode de travail indépendant en micro-structure, pourquoi ce choix ?
En 1998, j’ai quitté Carré Noir dans des conditions humainement difficiles. Ce départ m’a affecté. Je me suis accordé 6 mois de « lacher prise » sans prendre de décision pour la suite des événements. Un moment de flottement, de doutes aussi : comment parler de soi, lorsqu’on a passé toute sa carrière à défendre une enseigne ?
Petit à petit, le marché s’est rappelé à mon bon souvenir. On m’a proposé 11 directions d’agences. Je les ai toutes refusées : j’étais allé jusqu’au bout de cette aventure avec Carré Noir. On ne refait pas l’histoire ou alors en moins bien. Par contre comme j’ai toujours été ouvert aux nouveaux talents, ils ont continué de venir me voir et de me consulter pour des missions ponctuelles, ou pour les coacher sur un projet d’entreprise, ou encore, en amont du design pour étudier les tendances de consommation au niveau international.
En créant le portail Internet admirabledesign.com, j’offre une plateforme d’expression aux professionnels et je continue de nourrir la réflexion de tous ceux que ce métier passionne. Je suis totalement libre, je ne prospecte pas, ce qui est un grand luxe. Je fonctionne en mode ouvert. Je ne travaille qu’avec des gens que j’apprécie et par chance, il y en a beaucoup.
Vous avez développé des contacts dans le monde entier. Comment entretenez-vous votre réseau ?
« Réseau », c’est un terme utilitariste, assez antipathique. Je viens d’une famille de 8 enfants, pour moi un réseau, c’est avant tout une confrérie, pas un fond de commerce à exploiter. Ça ne marche que s’il y a de la générosité partagée, du plaisir et de l’estime réciproque et donc de la confiance. Pour les petites entreprises, ces valeurs humaines sont centrales. Il n’y a pas le secours de grandes enseignes pour pallier aux défaillances des individus. C’est la probité et l’éthique de chacun qui assure la cohérence d’un dispositif . C’est parce qu’ils sont plus authentiques que les réseaux d’indépendants sont aussi plus productifs et plus durables.
Les conseils de Gérard Caron.
Une activité de service par définition, c’est intangible. Travaillez à rendre votre projet le plus concret possible. Définissez des méthodes et des process que vos collaborateurs et vos clients pourront s’approprier et partager.
Avoir une bonne idée ne suffit pas. L’innovation peut faire peur. Investissez pour acquérir votre première référence (votre premier client a légitimement droit à une prestation particulièrement avantageuse) et construisez un cas pour illustrer toutes la richesse de votre prestation. Demandez à ce client de témoigner.
La force de votre réseau découle directement du capital confiance que vous êtes capable d’inspirer personnellement. En vous demandant d’abord ce que vous pouvez donner avant de savoir ce que vous pouvez obtenir, vous vous mettez dans les meilleures conditions pour réussir.
Interview donnée à l’occasion du Salon de la Micro Entreprise et réalisée par Marc Lahore. Prochaine édition du 28 au 30 septembre au Palais des Congrès à Paris, où Gérard Caron donnera une conférence sur la création de logotypes : Tout sur le salon de la Micro Entreprise
Pour retrouver cet article et d’autres témoignages d’entrepreneurs : IBM-Entreprise