Le Design, discipline stratégique pour l’entreprise ?

Une Ecole qui donne son point de vue sur le métier, c’est rare. Admirable Design ne résiste pas au plaisir de vous faire profiter des réflexions de Christian Guellerin, le directeur d’une des plus performantes écoles de design de France : celle de Nantes. Deux autres articles sont annoncés… Quel dynamisme !

Imaginer les produits de demain

Par sa capacité à créer, à innover, à explorer de nouveaux champs d’investigation, à imaginer les produits de demain, le design devient la fonction clé de l’entreprise qui réfléchit sur son avenir. Appliqué au produit ou au management des projets de création, le design rend l’entreprise capable de proposer des produits ou des concepts nouveaux pour aborder le marché et ses clients.

De nombreuses sociétés l’ont intégré au cœur de leur processus industriel parce qu’il génère de la valeur ajoutée, en même temps qu’il fédère les hommes autour de la démarche de création. Le design aide l’entreprise à se développer et garantit sa pérennité. Il apporte de multiples réponses en matière de positionnement, de valorisation et renouvellement des produits, d’optimisation des coûts de production, d’apport de nouveaux matériaux ou d’application de nouvelles technologies.
Le designer apporte une nouvelle dimension au management et à la transversalité, une nouvelle culture du travail en commun de tous les acteurs réunis autour d’un projet de création et d’innovation.
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Le design,une discipline humaniste ?

Le design,une discipline humaniste au service de l’économie ou mieux une discipline économique au service de l’homme.

Le Design Industriel traite de la création et de l’innovation en matière de produit, qu’il soit physique ou virtuel. La notion de produit peut être entendue selon deux acceptions : la première fait référence à l’économie de production, l’autre à l’économie de marché. On peut entendre « produit » comme résultat d’un process industriel, le résultat d’une fabrication en série, par exemple, ou, selon Kotler, comme éléments du Mix Marketing réunis autour du marché ciblé.

Désormais on qualifie de « bon produit » celui qui est parfaitement adapté à son marché. Il est par définition « un produit-vendu » . Aussi et naturellement, le produit bien designé est-il un produit vendu ou qui fait vendre, correspondant exactement à une demande, et présenté au bon endroit, au bon moment, au bon prix. C’est un outil pour le profit ou l’image. Le design fait vendre.

On ne peut plus exclure le design de cette relation à l’économique. Le « bon design » doit être mesurable en terme de ventes et de profit, comme la publicité l’est. Il est dommage que l’on manque encore en France de statistiques fiables à ce sujet, alors que les Anglo-saxons ont depuis longtemps travaillé sur ce sujet.
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La promotion du design comme valeur économique a toujours été freiné en France par la référence et la suprématie des « Arts Appliqués » , se défiant constamment des rapports à l’argent peu conforme avec une « éthique » de la création, par essence non limitée ,donc, délivrée des contingences, en particulier celles liées à la rentabilité économique.

Chercher l’ « éthique » dans les fondements de l’économie de marché est vain : personne n’a jamais vendu quelque chose par devoir, mais toujours et plus modestement au regard de la Morale, par intérêt. Chercher de la Morale dans l’activité des entreprises confrontées aux lois du marché revient à engendrer des nouveaux leviers Marketing-Image pour servir leurs intérêts : est ce bien moral au fond que d’encourager les intérêts au nom de la Morale et du Devoir. Le néologisme « Markéthique » est douteux, sinon qu’il doit servir les intérêts de ceux qui l’ont inventé. « L’économie de marché n’est pas morale, ni immorale, elle est amorale ». La valeur ajoutée, le profit sont par essence dénués d’humanité. Seul, ce qui en est fait à postériori, pourrait d’aventure être douteux, voire sujet à caution.

Le design envisagé dans une perspective conjointe au Marketing, a une responsabilité bien plus noble qui transcende les notions économiques : il s’agit de créer de nouveaux produits pour répondre à des nouveaux besoins, des nouveaux usages, de nouvelles façons de vivre avec l’objectif de vivre mieux, plus longtemps, plus heureux. Il s’agit de placer les valeurs humanistes au cœur même de la production industrielle et du marché, et de donner un sens à ces éléments. Le designer a la responsabilité d’utiliser l’économique pour servir la société. Il lui redonne un sens, celui d’être au service de l’humain. Le design est humaniste par essence. Il ne s’agit donc pas dès lors de se défier de l’économique, mais à l’inverse, de s’en servir comme moyen d’apporter le progrès.

Christian Guellerin

Directeur de L’Ecole de Design Nantes Atlantique

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