Putmann, vous connaissez ?

Bien sûr que nous connaissons La Putmann. Mais, après tout, il est bon de revoir ses classiques de temps à autre, de façon à répondre autre chose que « la grande dame en noir », ou « la prêtresse du chic », non ? Pensons, aussi aux plus jeunes d’entre nous… On connaît, on croit connaître. Il est des stars victimes de leur notoriété. Il faut avouer que dans le cas présent, Andrée Putmann sait réserver une part de mystère quant il s’agit d’elle même, à un tel point que cela ressemble à de la pudeur…chic ! Nous avons demandé à Gérard Caron, de nous dresser un portrait en guise d’interview.

L’art d’Andrée…

Art et design

putmanw.jpgCurieuse bonne femme…Tout en elle semble juste, préparé, non sujet à l’improvisation, en un mot cela peut générer une certaine « distance » – reliquat d’une élégante timidité  ? – et au premier regard, à la première parole on se trouve face à un personnage accueillant, simple et à votre écoute. L’élégance et de mise, les détails sont travaillés, pas question de baisser les bras devant les attaques sournoises du temps qui passe.

Faut-il parler aussi de cette voix caractéristique, étonnamment grave, au débit régulier et aux tonalités chaudes qui aime à raconter des histoire ?

Bien, imaginez qu’entre deux vols d’avions, vous aillez pu obtenir un rendez-vous avec notre
pythie du design. Il y a fort à parier que ce sera dans un endroit qui lui ressemble : sobre, distingué, sans ostentation. Mais pour celui qui, comme vous, possède un minimum de culture, il remarquera ici ou là l’accessoire qui fait la différence : un tableau inconnu d’un artiste connu, une lampe début du XX ème, un escalier parfait.
C’est alors qu’elle vous parle…Trop tard, le charme opère, vous êtes pris dans ses filets.

Oui, depuis son enfance et par la suite, avec son mari collectionneur Jacques Putmann (de cette aventure elle n’a gardé que le nom !) elle a côtoyé les artistes et l’art. Elle reconnaît avoir eu cette chance et …aussi la chance de rencontrer des personnages qui ont marqué sa vie et ses orientations. Encore fallait-il saisir cette chance. Ce qu’elle fit. Non sans rencontrer les déceptions, la trahison, les jours sombres. La vie. Le roseau a plié et s’est redressé.

Ne cherchez pas plus loin pourquoi elle est une des rares designers à mêler art et design avec autant de succès.

Briseuse du bon goût…

Aujourd’hui, on pourrait facilement oublier que l’on a affaire à une révolutionnaire. « Vous ne pouvez pas imaginer combien le style Versailles continue à faire des dégâts, quatre siècles plus tard ! » m’a-t-elle dit un jour. En pleine époque du bon goût à la française bourgeois et conventionnel, elle a eu le culot de prôner une autre forme de décoration : celle de l’espace, du vide, des jeux de lumière, des œuvres de l’art contemporain.Une avant-gardiste redoutable, on vous dit ! Mais qui n’oublie pas tout ce que le présent doit au passé immédiat.

Découvreuse de talents, elle encourage les plus méconnus. Les écrivains, les peintres, les cinéastes qui ont compté ont eu porte ouverte chez elle, au moment où eux, étaient encore loin de la gloire. Comment peut-on oublier une telle expérience ?

Par relation, elle collabore au magazine « L’œil » en tant que rédactrice de décoration intérieure. Puis s’enchaîne sa rencontre avec Denise Fayolle pour imaginer ensemble une folle aventure : celle du mobilier contemporain prisunic, accessible à tous. Nombreux sont ceux qui se souviennent encore des petits catalogues carrés qui présentaient des meubles simples, évidents dans des matériaux modernes et à tout petit prix. Cela en plein triomphe des Galeries Barbès et Lévitan ! Pas sûr que les Français ont bien compris la chance qui s’offraient à eux.. Cela devait faire la fortune des Habitat et autres Ikéa plus tard. De la difficulté d’être précurseur …

Le grand Ecart…
C’est décidé, en 1978, elle fonde sa société qu’elle nomme Ecart ! Etre à l’écart ? Faire le grand écart ? De toutes façons, ne pas être comme les autres. Le lieu, une sorte d’usine désaffectée ne ressemble à rien de connu. C’est la presse américaine qui la première a su remarquer cette espèce de douce dingue qui crée dans un hangar en plein Paris !

Le concept de base ? Rééditer du mobilier des créateurs plus ou moins oubliés, du début du XX ème siècle, tout en donnant leur chance à de jeunes créateurs. Le succès des anciens permettant d’aider les jeunes, belle idée ! Car succès il y a, même s’il est mêlé d’incompréhension. Andrée Putmann ouvre à côté de ces activités un département d’architecture intérieure.

Tendance Andrée ? Non, à côté …
Tendance, voilà un mot qui la fait sourire, peut-être pour ce qu’il comporte de suivisme, si j’ose dire. Elle qui a brisé le carcan de bon goût, qui a découvert le Marais avant les autres, qui a habitait un loft en 1978 (un quoi ?…), elle ne peut pas s’imaginer être tendance, même si les médias du monde entier lui ouvre leurs colonnes et leurs écrans.

La culture, le flair et la générosité, c’est son mélange détonnant pour dénicher les nouveaux talents de Jean-Charles de Castelbajac à jean-Paul Gaultier sans oublier Issey Miyaké. Elle décore les espaces des personnalités : Yves Saint Laurent, Balanciaga, Karl Lagarfeld, elle lance des inconnus tel Ian Schrager propriétaire sans le sous du futur hôtel Morgan’s, devenu mythique grâce à elle. Et puis le Sheraton à Roissy, la décoration soft du Concorde, etc,. etc…c’est encore elle.

Autant de traces raffinées pour suivre cette femme aux facettes multiples. Mais quelle femme suivre ? La conteuse, la musicienne, la designer ou l’architecte d’intérieur ?