T’es moche, je t’aime !

Tilt qui conseille les entreprises en matière d’innovations, nous fait part d’une tendance sociologique qui n’est pas sans conséquence pour le design : la lassitude devant le plus que parfait, le trop beau, le sans défaut ; pour faire court, devant un monde photoshopé.
Un sujet de réflexion pour la comm et pour le design… même si la quête de l’esthétique pure n’a jamais été l’objectif premier de ce dernier. Il n’empêche…
Gardez vos défauts, soyez naturel, restez normal comme votre président…
Une question pourtant : que va faire L’Oréal et ses stars liftées à mort avec Photoshop ? !

admirable_design_avant-apres.jpgLa fin de Photoshop ?
Il n’est de corps que parfait : toute imperfection doit être bannie de l’espace public, comme si elle était une tête de Gorgone qui menaçait, à chaque instant, de nous rappeler que, précisément, nous sommes bien peu à être des canons de beauté. D’ailleurs, certains lieux du corps cristallisent en particulier ces obsessions : les cheveux chez la femme, la barbe chez l’homme, la peau chez les deux sexes qui, l’un comme l’autre, feraient tout pour lutter contre les imperfections, le sébum et les rougeurs. Cette monomanie atteint aujourd’hui un paroxysme avec la chirurgie esthétique, les concours de mini-miss ou des shows TV tels que Relooking Extrême où l’on voit des personnes atteintes d’obésité morbide suivre un régime draconien avant d’être opérées pour retirer l’excédent de peau… Même le fantasme semble se plier à ces canons de beauté photoshoppés. Ainsi, la société française Doll Story est spécialisée dans la fabrication de « love dolls » en silicone, aux traits à la fois ultra réalistes et totalement désincarnés.
admirable_design_star.jpg
Pourtant, il apparaît que que ce diktat se renverse aujourd’hui, du moins qu’il cohabite avec la normalité érigée comme nouveau canon. Plusieurs stars s’affichent sans maquillage, comme Cameron Diaz ou Heidi Klum, pour montrer à leurs fans qu’elles sont « comme eux », autrement dit « normales ». Selon la psychologue Danielle Rapoport, « l’acceptation et la valorisation de la différence sont un signal faible qui montre la fatigue d’un surcroît de normes, la volonté de vivre différemment et de s’affirmer soi-même avec ses défauts » : dans un monde qui nous enjoint en permanence à la perfection, cette contre-tendance se dessine qui revalorise l’individu tel qu’il est.
admirable_design_hollande.jpg
Normal, je suis normal…
D’ailleurs, plus généralement, la normalité est devenue une qualité valorisée. Ainsi, de François Hollande à Kate Middleton, en passant par le pape François, les personnalités publiques – présidents, princes, pape – se sont « normalisées ». Après le règne des classes élitistes puis l’ère de la prescription des classes populaires (avec les modes issues des banlieues par exemple), il apparaît aujourd’hui que, à la faveur de l’éclatement des normes et des hiérarchies, ce sont le « normal », la « moyenne », qui soient valorisés.
admirable_design_mac-do.jpg
Des marques normales pour être près de vous…
Les marques s’appuient de plus en plus sur ce phénomène pour trouver écho auprès des consommateurs. Après Dove, bien connu pour ses campagnes de sensibilisation, ou Mc Donald’s et son fameux « Venez comme vous êtes », Meetic communique depuis l’année dernière sur le potentiel de séduction des défauts en affirmant : « Vous n’êtes pas un athlète… Vous n’êtes pas top model… Vous êtes l’égérie d’aucune marque de sous-vêtements… Non, vous n’êtes pas tout ça. Mais il y a une chose que vous êtes : vous êtes vous » ou « Si vous n’aimez pas vos imperfections, quelqu’un les aimera pour vous ». Le potentiel marketing du normal s’affiche même dans des secteurs autres que la beauté ou les rencontres : le succès des campagnes sur les « Fruits et Légumes moches » d’Intermarché, Leclerc ou encore Cora, l’année dernière, ne prouve-t-il pas l’intérêt que les consommateurs nourrissent à l’égard de l’inesthétique, de cette petite fenêtre qui, l’espace d’un instant, ouvre sur un quotidien moins normé et hors des calibres ?

La beauté décanonisée, si elle cohabite toujours avec des normes strictes, s’impose de plus en plus comme un moyen de nouer un contact chaleureux avec ses clients. A mesure que toute chose est de plus en plus esthétisée, les marques peuvent saisir l’opportunité de communiquer sur leur « normalité » afin de se rapprocher de ces derniers et de créer de l’empathie avec eux.

Cet article est extrait de la news letter Tilt Ideas, passionnant recueil d’innovations qu’il faut observer de près.
Pour la recevoir s’inscrire ici :
http://www.tilt-ideas.com/tilt/news