Quand se lèvera le brouillard numérique

Un jour, le brouillard numérique se dissipera. Mais nous n’en sommes pas encore là. Deux réalités en ont déjà surgi : les nouvelles formes de nomadisme ; la mondialisation des marchés du travail et de l’enseignement. Une troisième encore cachée devrait bientôt apparaître : les nations européennes vont devenir numériques.
Ecoutez le respecté « prospectiviste » Armand Braun, dirigeant de la Société
Internationale des Conseillers de Synthèse,
parler de demain aux fidèles d’Admirable Design.
Passionnant.

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Portrait d’Armand Braun par Yoshi Omori

La mondialisation des marchés du travail et de l’enseignement.

Il semble qu’avec, notamment, les marchés mondiaux du travail et l’enseignement en ligne, nous ne sommes qu’au début d’un monde relié autrement. C’est sur Internet qu’employeurs et demandeurs d’emplois prennent l’habitude de se rencontrer : recruiting experts worldwide (nous recrutons des compétences dans le monde entier), c’est l’annonce d’une agence de recrutement qui défilait ces jours-ci sur les bandeaux publicitaires du stade où se jouait un match suivi par des centaines de millions de téléspectateurs.
Alors que les MOOCs sont encore dans la petite enfance, nous savons déjà qu’ils s’inscrivent dans le contexte plus large que résume Michel Serres dans Challenge du 20 février : « avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication, la possibilité d’accès au savoir devient infinie ». Des centaines de millions de personnes vont pouvoir en profiter à travers le monde.
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Les nations européennes vont devenir numériques.

Fragilisées par leur endettement, leur vieillissement, leur renoncement de fait à tout projet d’avenir, nos nations auraient grand intérêt à explorer les chances que le numérique offre au maintien de leur identité nationale. Ceci mérite explication : les nations s’inscrivent dans des territoires, mais beaucoup de leurs ressortissants dispersés à travers le monde vont bien.
Certains ont émigré depuis longtemps, voire depuis plusieurs générations, et sont aussi très attachés à leur nouvelle nationalité. Alors que dans le passé beaucoup d’émigrants coupaient les ponts avec leur pays d’origine, aujourd’hui ce n’est plus le cas et Internet a permis que se créent d’innombrables liens informels. D’autres ont émigré récemment pour réussir leur vie ailleurs, mais restent fidèles à la mère patrie. Imaginons que, tirant parti de l’ubiquité qu’autorise le numérique, l’une ou l’autre de ces nations accorde plus de poids à la relation avec ses ressortissants effectifs et potentiels qu’à son territoire ; le territoire rassemble toutes les contraintes ; les personnes, toutes les opportunités.
Le corps électoral, par exemple, serait unifié (j’oublie ici la mesurette ayant créé des élus des Français expatriés) ; les débats seraient soumis à l’ensemble de la collectivité, indépendamment des lieux de résidence dans le monde ; celle-ci partagerait la responsabilité des choix, contribuerait à leur financement, désignerait les représentants politiques.

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Visuel : SchoolandUniversity.com
Cette dernière proposition suscitera bien plus que la critique, la dérision. Jusqu’à ce que les faits ne l’imposent. Il y a dix ans à peine, les deux premières propositions (la mondialisation des marchés du travail et de l’enseignement) correspondaient à des situations naissantes que nul ne repérait. Dans dix ans (les nations européennes vont devenir numériques) cette troisième proposition sera en chantier !

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