Trop de simplicité nuirait-il à la créativité ?

C’est l’une des questions sous-jacentes que pose une récente étude de Newsweek suite à l’observation des nouveaux modes de vie des jeunes générations. « Surassistés » ils sollicitent moins leurs cellules grises…

Olivier RAYMOND, planneur stratégique du cabinet Kids Now® (groupe Bayadères) dédié à l’univers des 0-25 ans, nous en dit plus.

Trop de simplicité nuirait-il à la créativité ?

Toujours plus simple, toujours plus rapide ! Des plats pré cuisinés aux cartes de crédit en passant par les smartphones, la notion de « convenience » s’est peu à peu infiltrée dans le quotidien de nos sociétés occidentales. Si nos modes de vie s’en sont trouvés facilités, ceux des nouvelles générations, pour qui ces ‘progrès’ sont avant tout des acquis, ont été profondément modifiés.

Et si nos enfants semblent jouir d’une qualité de vie bien supérieure à celle que nous avons pu connaître ou qu’on pu connaître nos parents, s’ils ont accès plus aisément et plus précocement à l’information et à la culture, ils doivent paradoxalement faire face à de nouveaux défis nés eux aussi de cette course à la facilité : un apprentissage de l’écriture assimilé de plus en plus tardivement (puisqu’il suffit désormais de toucher une lettre pour qu’elle apparaisse), une moindre aptitude à la patience et à la persévérance, mais surtout une inhibition latente de leur créativité.

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Que ce soit en Europe, aux Etats-Unis ou en Chine (touchée elle aussi récemment par le phénomène grâce au ‘miracle’ de la mondialisation), les études aboutissent en effet à la même conclusion : la créativité sera demain une compétence rare et hautement recherchée dans les années à venir parmi des nouvelles générations qui, à force d’être ‘surassistées’, n’ont plus de réelles raisons de stimuler leur matière grise.

Si les institutions nord-américaines tardent à réagir face à cette menace grandissante, l’Europe et la Chine ont d’ores et déjà commencé à faire du développement de la créativité des priorités nationales (2009 fut consacrée Année Européenne de la Créativité et de l’Innovation, le système d’éducation chinois est en pleine mutation, …).

Des combats qui, s’ils veulent être efficaces, risquent toutefois de devoir s’inscrire dans la durée auprès d’une jeunesse attendant, désirant, recherchant la simplicité dans tous les domaines de son existence, que ce soit au niveau de ses études (des examens de plus en plus faciles ?), de ses loisirs (des jeux vidéos plus courts et moins difficiles pour séduire les casuals gamers ?), de sa ‘carrière’ (la richesse et la gloire facile des reality shows ?) ou de son style de vie (via le nivellement simplificateur que peuvent offrir des marques globales : la même nourriture, les mêmes vêtements, les mêmes séries télévisées pour tous ?) ; en un mot, du ‘Playtime’, comme nous le signifiait Tati il y a déjà bien longtemps.

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Revaloriser la difficulté

Et si auprès de cette population, le succès de contenus un tant soit peu créatifs (à l’image du film Inception qui créa l’événement en raison de sa ‘complexité’ scénaristique) ou de célébrités sortant de l’ordinaire (on ne présente plus Lady Gaga ou Justin Bieber dont le biopic est justement baptisé ‘Never Say Never’ …) prend alors tout son sens, il est légitime de penser que les marques désireuses de les séduire ont là une véritable carte à jouer : revaloriser la ‘difficulté’ comme support de développement de la créativité et de la différence, la transformer en de vrais bénéfices pour les adolescents bien sûr, mais aussi et surtout pour les plus jeunes enfants et pour leurs parents.

En donnant la possibilité à leur consommateur de customiser leurs futurs produits, les marchés de l’automobile, de la chaussure ou des boissons ont ouvert une voie prometteuse pour les plus âgés. Les plus jeunes eux, attendent toujours la réaction des marques qui leur sont destinées …

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Dans l’attente de ce grand saut créatif, toute cette nouvelle génération semble à la recherche de nouveaux modèles, nouveaux archétypes universels (mondialisés ?) de simplicité et de bonhommie se caractérisant par leur capacité à résoudre leurs problèmes avec la plus grande facilité, comme par magie. D’où le récent retour en force de Mickey (mais aussi de l’ensemble des personnages Disney) dans l’univers des marques dédiées aux Kids et aux Kidults : chez D&G, IKKS, Uniqlo, Adidas, Kellogg’s, M.A.C Cosmetics, Method, Square Enix,…

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Dis-moi ‘qui’ tu consommes, je te dirai qui tu es …

La jeunesse semble décidément bien réticente à l’idée de grandir, de devoir affronter les difficultés d’une réalité toujours plus angoissante (chômage, guerres, crises environnementales, …) ou encore de devoir inventer demain (alors qu’hier est si rassurant).

Notre crise de créativité ne serait-elle dès lors finalement pas que l’un des symptômes d’une crise identitaire bien plus profonde ?