Londres 2012 : un logo disqualifié ?

Olivier Raymond de l’agence Lonsdale profite de ce début d’année 2008 pour faire le point sur LA polémique qui marque le microcosme des agences de design anglaises depuis l’été dernier : celle de l’identité visuelle des futurs jeux Olympiques.

Bref rappel des faits. Lundi 4 juin 2007 : le logo officiel des Jeux Olympiques de Londres 2012 est enfin révélé. Une identité signée Wolff Olins, l’une des plus prestigieuses agence anglaise (Orange, le Tate, British Telecom, la nouvelle identité du groupe Unilever, le logo des jeux d’Athènes 2004, …) sortie gagnante de l’énorme pitch organisé il y a quelques mois par le Comité Olympique entre les plus grands cabinets londoniens : Interbrand, Landor Associates, Fitch, The Partners, Williams Murray Hamm, New Solutions et Enterprise IG
(les nouveaux Brand Union).

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Une identité volontairement disruptive et haute en couleur pour séduire principalement les jeunes générations au niveau international et s’inscrire dans les tendances graphiques qui seront censées marquer les prochaines années. Une identité impactante, marquante et fortement mémorisable, conçue pour vivre facilement et pleinement sur les nouveaux supports médias nomades (et notamment les écrans de petite taille des téléphones portables, organisers et autres consoles portatives nouvelles générations) qui seront encore plus qu’aujourd’hui des supports de communication incontournabe

Une identité qui, au-delà d’un simple logo pour un événement sportif, est avant tout revendiquée comme une marque à part entière, une marque qui plutot que de mettre fortement en avant les anneaux olympique prend le parti de refléter l’Angleterre d’Aujourd’hui et de Demain (une Angleterre moderne, colorée, dynamique, créative et audacieuse), une marque à même d’inspirer les foules quelles que soient leurs origines. D’où le parti pris d’un graphisme alternatif (certains pourront y voir l’influence naissante des nouvelles cultures urbaines, du street art à la tecktonik) à la limite de l’abstrait et à la forte dimension artistique plutôt qu’une représentation « descriptive » des anneaux et de la capitale anglaise.

Mais une identité qui a surtout provoquer une véritable polémique au Royaume-Uni puisqu’elle a été violemment rejetée par une grande partie des citoyens Britanniques. Quelques heures après le lancement, une pétition on-line demandant le retrait du logo avait déjà réunie plus de 3000 signatures alors que, de son côté, la BBC offrait à chaque internaute (qu’il soit ou non designer) la possibilité de mettre en ligne son « logo » imaginé pour l’occasion. En voici quelques exemples.

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_ Comment expliquer un tel phénomène ?

– résistance classique au changement ?

– mauvais management/accompagnement de cette politique de changement ?

– sous estimation de la force d’attaque que peuvent désormais avoir les citoyens, via les nouveaux médias, sur une marque voire sur une institution ?

  scandale économique lié à la médiatisation du coût de ce programme identitaire :
400 000£, soit un prix somme toute raisonnable si l’on imagine l’ampleur du chantier, mais qui peut apparaître comme largement injustifié aux yeux de contribuables
qui ont désormais eux aussi l’opportunité (grâce/à cause de la BBC) de produire « gratuitement » un « vrai » logotype ?

– ou plus simplement mauvais travail de Branding de la part de l’agence
voire mauvais brief client, devant une marque Olympique qui, même si l’événement
et son identité se veulent éphémères et non pérennes, se doivent avant tout d’être fédérateurs pour le plus grand nombre ?

La question reste entière et sa réponse n’a finalement que peu d’importance par rapport aux conséquences que pourraient avoir cette affaire sur l’industrie des agences londoniennes voire européennes, notamment si des événements identiques venaient à se reproduire trop systématiquement. N’avons nous pas eu nous-même affaire il y a quelques mois à de telles polémique lors du lancement des nouvelles identités (l’ANPE, EDF, …) ?

Dès lors, comment les agences justifieront-elles demain aux yeux du grand public mais aussi de leurs clients, l’existence d’une Expertise Design si même le travail des plus professionnelles n’est pas reconnu ? Comment justifieront-elles demain le coût et les délais inhérents à la réalisation de cette même expertise si le plus grand nombre reste persuader qu’un logo n’est finalement qu’un simple dessin à la portée du premier venu ?

La future décision du comité olympique pourrait amener les agences à se pencher plus tôt que prévu sur ces problématiques. D’autant plus qu’une de leur dernière déclaration laisse supposer une possible évolution du logotype avant 2012.

May God save the Queen, Branding and Design !