Le stress utile à la création ? Non ! ! !

Badaboum ! Encore une idée reçue bien ancrée dans nos métiers qui tombe avec fracas ! Non, le stress exercé sur les créatifs n’est pas positif. Il enclenche des réactions de conservatisme et de protection absolument anti- création, anti-innovation, anti-risques !

Alain Meunier psychosociologue et empêcheur de penser en rond, a étudié ce phénomène spécialement pour Admirable Design. Explications scientifiques à l’appui.

Un article à imprimer et lire avec attention pour savoir manager des créatifs…

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Peut-on être créatif sous pression ?

Le quotidien du travail en entreprise ou en agence devient chaque jour un peu plus tendu.

La pression sur les résultats est de plus en plus forte. Les délais de réponse à un appel d’offre, de création ou de production se réduisent. La compétition devient mondiale et systématique. Le poids des acheteurs augmente conduisant à des pratiques nouvelles et redoutables telles que les enchères inversées.

La vie s’accélère avec les nouvelles technologies. Les créations sont plus vite dépassées. La course à la modernité s’emballe dans un espace devenu global. La mondialisation rend toute création visible partout très rapidement. Difficile d’être original, d’être le premier, de créer la tendance. Pour l’entreprise les enjeux devenant globaux deviennent plus risqués : les conséquences d’un succès ou d’un échec sont amplifiées par rapport à hier. La pression sur les dirigeants est plus forte. La pression qu’ils exercent sur leurs collaborateurs l’est aussi. Est-ce là une bonne ou une mauvaise nouvelle pour la création ?

Les mécanisme de la créativité

De nombreuses recherches ont déjà été faites sur les mécanismes de la créativité, mais les avancées récentes en neuropsychologie et gestion du stress fournissent un nouvel éclairage intéressant.

Plusieurs recherches réalisés dans des conditions de stress important (pilote d’avions de chasse, commandos…) mais aussi dans des conditions de stress modérés (perturbations provoqués par des bruits, des interruptions…) ont toutes montrées les mêmes phénomènes biologiques et surtout les mêmes conséquences comportementales.

Les enchaînements biologiques

Nous savons aujourd’hui très clairement que dans ces situations notre corps réagit biologiquement très rapidement et d’une manière automatique par la libération d’un certains nombre d’hormones. Ces réactions biologiques ont des conséquences très nettes au niveau du cerveau observables avec les techniques d’imageries médicales. Leurs effets sont nombreux, mais parmi ceux-ci il est intéressant de noter que passé un certain seuil les effets suivants se produisent :

rétrécissement des champs perceptifs,

• affaiblissement des capacités cognitives,

• tendance au repli sur soi, affaiblissement des capacités de travail en équipe,

• tendance à l’agressivité ou au retrait,

• renforcement de la passivité, attente d’instruction de la part de l’autorité.

Tests, mesures…

Il est aisé de penser mais aussi de démontrer que tous ces phénomènes sont contraires à l’acte de création. Sous forte pression on n’invente pas, on ne crée pas. On reproduit ce qui à déjà fait ses preuves, on se renferme sur le déjà connu, l’éprouvé. Ces démonstrations ont été faites à la fois par des expérimentations comportementales sur des groupes de volontaires. Les tests de créativité (analogie, associations de mots ou d’image, résolution de problèmes…) ou cognitifs (calcul, suites…) sont catégoriques. Des mesures en situations simulées ou réelles avec des militaires donnent les mêmes résultats. Les modèles bio-chimiques et leurs conséquences comportementales sont aujourd’hui connus.

De plus, plus la situation de pression se reproduit souvent, plus les effets s’accroissent par un mécanisme d’accumulation et de stockage progressif, pouvant conduire jusqu’à des « décrochages » comme des évènements dépressifs. Chacun peut apprendre à faire face à son stress, s’entraîner à respirer, à se détendre mais cela ne fait que repousser le point de rupture, cela ne compense pas réellement de manière durable les effets induits.

Nous savons aussi que sans aucune pression d’enjeux la créativité n’existe pas non plus. Pour innover, il faut d’abord vouloir trouver, avoir besoin de. Ce besoin, c’est aussi l’attente de satisfactions, de plaisir que l’on aura d’avoir trouvé. Là encore cette envie, cette ‘excitation’ est matérialisée au niveau du cerveau par la libération d’un neurotransmetteur.

Comment manager des créatifs ?

Manager des créatifs c’est donc l’art de gérer un délicat équilibre permettant de provoquer l’envie de créer sans casser les possibilités de sortir des autoroutes de la pensée : ‘ni trop ni trop peu’.

Il nous faut donc aujourd’hui sortir du débat plus ou moins idéologique ou politique et tenir compte de ces phénomènes bio-comportementaux. Les managers et les RH doivent s’intéresser à la pression qu’ils exercent sur les créatifs, pas seulement pour des raisons médicales ou de crainte de retombées médiatiques en cas de suicide, mais d’abord parce que la productivité, l’efficacité même de leurs collaborateurs, en terme de créativité notamment, sont fortement diminuées. L’exigence de résultat, le contexte fortement concurrentiel de l’activité ne peuvent être changés mais l’exercice managérial peut facilement soit en renforcer soit en atténuer les effets dévastateurs. Il existent des modes de management favorables à la création

Articles d’Alain Meunier parus dans Admirable Design :

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