Les plus anciens packagings du monde ?

Lors d’un séminaire qu’il animait à Tunis, Gérard Caron a eu l’occasion de collaborer avec un éminent historien, auteurs et producteur d’émissions culturelles : le professeur Fantar. On commence par discuter de l’huile d’olive, thème du séminaire…pour en terminer avec le design, bien sûr ! Et découvrir au passage, que les Carthaginois étaient peut-être les premiers designers du monde occidental ! Allez, Admirable Design vous offre une page de culture à consommer sans attendre…

Gérard Caron : Pour qu’il y ait design, il faut qu’il y est commerce . Cela aurait commencé avec l’huile d’olive ?

Professeur Fantar : Il y a lieu d’abord de signaler l’importance de l’huile dans tous les pays de la méditerranée. C’est une denrée alimentaire dont le fruit se fait garant de la santé. Les Carthaginois, comme leurs ancêtres phéniciens reconnaissaient à l’huile les vertus curatives. Les dieux et les déesses appréciaient l’offrande de l’huile qui se voit investie d’une fonction religieuse.Et à l’époque romaine, les gymnases, les palestres, les thermes et toute activité sportive exigent d’énormes quantité d’huile pour des massages prodigués aux athlètes avant et après les exercices.

Il faut ajouter que l’huile entre dans la fabrication de certains produits de beauté et de toilette. Pour les société antiques l’huile d’olive tient lieu de savon et d’alcool comme support de parfum !

GC : On parlait déjà de concurrence à l’époque ?

PF :Des épaves fouillées sur les côtes françaises, non loin de Marseille, ont permis d’établir que l’huile tunisienne était exportée en Gaule. Pourtant l’Espagne, productrice, elle aussi, est bien plus proche. L’huile tunisienne a supplanté l’huile espagnole. En Tunisie, une production abondante et une amélioration de la qualité du produit ont permis de vendre sans doute sur les marchés longtemps dominés par les Espagnols. C’est le résultat de l’équation qualité-prix !

GC : Le mix marketing existerait depuis près de deux mille cinq cents ans ! !

PF : Et comment ! Quant aux Romains, eux, ils n’étaient pas prêts à reconnaître la qualité des huiles africaines qui leur faisaient concurrence ; Les auteurs Italiens (Juvenal) s’évertuèrent à les dénigrer : attitude qui dénonce un nationalisme exacerbé et une jalousie suscitée déjà par l’émergence de l’Afrique au sein de l’empire romain.

GC : Pour moi le design est création, ce qui n’est pas une notion moderne, réalisée dans le but de plaire à une cible et liée à un processus de production en série,ce qui date des années industrielles. Mais ne sommes-nous pas ici dans ce contexte ?

PF :Jugez par vous même.Sur des amphores qui semblent avoir servi de conteneurs, on a déchiffré des noms. S’agit-il de marques de potiers ou plutôt d’armateurs et marchands d’huile ?

Les amphores étaient fabriquées dans les formes et les couleurs qui plaisaient aux clients. On essayait différentes couleurs pour trouver celles qui avaient le plus de succès ! Celles qui ne plaisaient pas n’étaient plus produites…Par les exportations, les armateurs et les naviculaires ont fait fortune. L’empire romain en profita et l’Afrique y trouva son compte. La commercialisation de l’huile d’olive a été à l’origine de très grosses fortunes et de très brillantes carrières politiques…

GC : …précurseurs des grands groupes agroalimentaires et de distribution et de lobbying politique. Rien à voir avec aujourd’hui, bien sûr !