Décathlon : 80 designers !

Mais saviez-vous que Décathlon, c’est aujourd’hui un chiffre d’affaires de 3.2 milliards d’euros, le premier vendeur de textile en France, cinq magasins en Chine et cinq aux Etats-Unis.

Le Design y serait-il pour quelque chose ?

Fabrice Langlais est allé rencontrer Philippe Picaud, directeur du design. Leçon de design management. Passionnant.

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Admirable Design : En réalité vous êtes à la tête d’une véritable agence de design ! Comment êtes-vous organisé ?

Philippe Picaud :

Nous avons aujourd’hui une équipe de 80 designers. Ce qui représente une force de proposition réelle et marque la volonté de la direction. Pour ça, on est passé par trois étapes :

A mon arrivée, il y a quatre ans, il a fallu mettre en place l’activité design : réunir, créer les process et les outils. Ça a pris deux ans.

Ensuite, donner de l’autonomie aux différentes marques du groupe que sont Quechua, Tribord, Inesis, … l’activité design a été délocalisée au sein de chaque marque. On a alors étoffé le design management au sein des marques, en recrutant et en augmentant les moyens. Cette étape a été initiée il y a deux ans.

Aujourd’hui, la réalité du groupe Décathlon, c’est l’international :
On multiplie les formes de ventes. Le « design central » doit accompagner ce changement avec des missions spécifiques.
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Le design chez Décathlon, consiste à imaginer des solutions innovantes permettant d’améliorer le confort et la sécurité dans la pratique sportive.

L’activité se construit autour de spécificités comme le textile, le produit, l’identité, le packaging, le magasin, les tendances, le design prospectif …

La dimension design a sa place au sein de la stratégie de l’entreprise.
Elle a donc évolué au fur et à mesure, avec la société et ses enjeux.
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AD : Quelles sortes de missions ?

Philippe Picaud : Pour soutenir la réalité de groupe à l’international, le design global doit :

-rationaliser, c’est-à-dire agir sur le process et les méthodes

-gérer la cohérence entre le discours et l’identité de l’entreprise

-et enfin augmenter la pertinence de l’offre globale

un parcours d’intégration pour les nouveaux designers
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AD Parlez-nous d’ « Imaginew » et des « Designers days » ?

Philippe Picaud : Pour rationaliser, il nous faut agir sur les outils du design, les méthodes de création, les composants de marquage …

Tous ces éléments doivent contribuer à une réduction des coûts de l’entreprise et optimiser la chaîne globale de conception, de production, jusque dans les magasins.

Gérer la cohérence, c’est avoir des outils communs pour que les informations, le process, l’image aillent dans le même sens. Nos marques doivent garder un sens propre et être en harmonie avec les valeurs de l’entreprise. C’est pour cela que le design central doit fixer les directions.

Pour augmenter la pertinence de l’offre, le design doit traduire les axes stratégiques au sein de chaque marque pour qu’elle soit plus forte sur son positionnement. La mise en commun aide à faire circuler les informations.
« Imaginew » par exemple, est notre méthodologie commune et propre au groupe pour imaginer de nouvelles solutions à partir de l’expérience des utilisateurs.

Nous avons également nos « Designers Days » regroupant tout le monde. Il est aussi prévu un parcours d’intégration pour les nouveaux designers

. Tous ces éléments permettent une bonne connaissance et une mise en place partagée par tous.

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AD : votre organisation se traduit par un « business model » particulier ?

Philippe Picaud : Disons que nous nous sommes organisés pour avoir le modèle le plus efficace, le plus rentable.
Etre le plus proche de l’utilisateur, avec une compréhension de la pratique, fait qu’on utilise peu les études marketing. Nous maîtrisons notre distribution, ce qui nous permet d’éviter les dépenses publicitaires. Nos efforts portent donc sur l’innovation et la qualité de nos produits.

Enfin nous développons. Nous pouvons donc jouer sur les coûts de fabrication.
Toutes ces économies nous permettent de proposer des produits avec les prix les plus attractifs. C’est d’autant plus facile que nous savons qu’ils correspondent aux besoins des utilisateurs.

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AD : écouter le client, connaître son besoin sans marketing ! Comment ça marche ?

Philippe Picaud : Décathlon a développé des sources d’informations complémentaires en plus des magasins :

  le partenariat technique  : l’association d’une marque avec un grand sportif de la discipline. C’est l’occasion de soumettre la gamme à un usage intensif et d’améliorer les produits au fur et à mesure des pratiques les plus exigentes.

  les missions test : on envoie des équipes avec nos ingénieurs, nos chefs de produits et aussi les pratiquants, débutants ou non. On obtient « à chaud », des informations précieuses qui nous permettent de tendre vers une qualité maximum.
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Les designers font des stages de vente…

AD : il y a donc un modèle économique Décathon et un modèle de management ?

Philippe Picaud : Concrètement, tous nos bureaux design sont rattachés à un magasin. A Villeneuve d’Ascq par exemple, nous bénéficions sur le campus, d’un magasin de 9000m2. Notre volonté, c’est d’être en permanence le plus proche du client.

Tous nos designers doivent passer par un stage de vente, pour une compréhension du besoin du client. Nous faisons tout aussi pour mutualiser les connaissances. On peut ainsi retrouver dans une même équipe, toutes les spécialités.

Nos marques sont des marques « passion ». L’essentiel est que l’utilisateur ressente une sensation positive au contact de nos produits. Et ça commence dès le packaging qui est aussi de notre responsabilité. Le design est le moteur de l’innovation. Une innovation qui sera toujours en rapport avec l’usage et porteuse des valeurs de l’entreprise.

AD : on peut réellement parler de design émotion chez Décathlon…

Philippe Picaud : Tout est basé sur cette valeur d’usage. Comment, dès la prise en main, ressentir des émotions positives dans la pratique des sports que l’on aime.

C’est l’essence même du design : la valeur d’usage est porteuse de sens. Elle contribue à rendre accessible le sport au plus grand nombre par une adhésion au produit. C’est de l’écoute et du respect de l’utilisateur en temps qu’homme, que l’on a aujourd’hui, des clients heureux.

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* Etoiles décernées par l’Observeur du Design 2005 :

 l’Arc Initech Géologic

 le vélo Ville HOP.3