Faire du design en Chine ?

Inattendu, c’est un petit bout de femme, Isabelle Richard qui représente le design français dans cet immense territoire ! Son agence ? Triangle Partners.

Fallait qu’Admirable Design y mette son micro, histoire d’en savoir un peu plus. Isabelle travaille en Chine depuis plus de 8 ans, avec succès.

A l’heure où tout le monde se tourne vers cette partie du monde, elle tire les premières conclusions de ces années de collaboration avec l’industrie chinoise.

Un précieux retour d’expériences …

Une expérience permanente !

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Admirable Design : Comment avez-vous commencé cette aventure ?

Isabelle Richard :

Je suis rentrée par le milieu que je connaissais le mieux : celui de la production, des usines. L’agence travaille aujourd’hui pour une trentaine de clients chinois. Pour cela, je suis 5 mois de l’année en Chine. Nous avons 11 personnes sur place avec un bureau à Hong-Kong et un à Canton.

Avec une équipe permanente de téléprospecteurs, ma participation aux salons, je rencontre quelques 300 entreprises par an. Nous avons une base de données de 6000 entreprises bien identifiées. C’est un investissement qui commence à porter ces fruits mais il ne faut pas oublier que, dans chaque secteur d’activités, il y a plus de 5000 entreprises …

AD : c’est une belle réussite. Quelles sont les étapes de ce succès ?

IR : Au départ, les usines cherchaient à proposer des produits pour le marché européen. Le fait d’être française, de bien connaître le milieu de l’électroménager et de la distribution, m’a permis de proposer des projets qui ont été acceptés. Puis ce sont les entreprises européennes qui voulaient fabriquer en Chine.

Aujourd’hui, nous avons des clients correspondants à ces deux cas de figures mais également depuis peu des clients chinois faisant appel à notre expertise pour le développement de leur marché local.
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Et l’image de la France ?

AD : l’image de la France a été un plus ?

IR  : assurément. La gastronomie, le luxe sont toujours associés au savoir-faire français. C’est un atout précieux que nous ne savons pas défendre. Mais il n’est pas suffisant car les produits, ce sont les usines qui les fabriquent. Et là, au-delà de tout symbole, il faut être pragmatique et répondre à une réalité que nous maîtrisons bien aujourd’hui dans l’agence.

AD : vous avez donc une bonne pratique de l’industrie chinoise ?

IR : Le petit électroménager, l’électronique et le jouet sont des secteurs particulièrement exigeants où les contraintes sont très importantes. Nous les connaissons et les maîtrisons. Ce qui fait que 90 % des entreprises qui exportent nous connaissent.

Travailler pour des patrons d’usines en Chine, c’est gérer un cahier des charges très contraignant, des décisions souvent impulsives. Mais je connais les clients de mes clients. Je sais sur quels critères, un produit en bout de chaîne, va être choisi. Ce qui permet d’être particulièrement pertinent dans nos propositions.
_ Un design chinois ?

AD : Fabriquer un produit, d’accord, mais comment et par qui ?

ID : il faut bien connaître le process industriel et sa réalité en Chine.
La qualité constante, la capacité à assurer un volume important, à passer sur du fret aérien et non maritime si retard, et tout simplement à payer s’il y a des problèmes, sont autant de paramètres que les grandes marques européennes, américaines ont bien en tête au moment de choisir des produits.

Le design que nous proposons à nos clients chinois intègre ces éléments.

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AD : il y a un design chinois ?

ID : globalement, un chinois recherchera souvent une symbolique animale dans toutes choses.

Les niveaux d’attentes sont différents d’un marché à l’autre. Produire une plaque électrique pour l’Europe, les Etats-Unis ou un réchaud à gaz pour la Chine ce n’est pas la même chose. Quand on sait que la plupart des foyers chinois n’ont pas l’électricité …il fau connaître les spécificités culturelles propres à chaque pays.

Au-delà d’un design, il y a une réalité industrielle et des clients finaux différents. Mon souci est de proposer un design toujours dans cette logique économique, avec des coûts de fabrication, de transport minimum, et une fonctionnalité et esthétique maximum. Le tout avec des contraintes énormes en technique et de sécurité en adéquation avec les marché US, européen, chinois …

Mais assurément, les moyens et le nombre sont en Chine. Des conditions qui vont se traduire par des tendances, tant le volume est ici important.
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L’ère du no name typé !

AD : Quelles conclusions faut-il en tirer ?

IR : que l’agence qui veut faire du design produit en Chine doit connaître les coûts de production, de transport. Et qu’une usine ne peut pas trop « typer » ses produits pour plaire à un grand nombre d’hypers et autres importateurs.

Il y a également un glissement qui commence à s’opérer : la marque restera la garante de l’identité et cherchera de plus en plus à minimiser les coûts. La R&D, le design vont passer vers les sites de production. Le tout aux quatre coins de la planète. Toute la difficulté va être de proposer des produits qui seront dans la tendance du marché visé, mais suffisamment neutres pour que l’usine puisse le produire en nombre.

Faire du « no name typé » et qui s’adresse à 80 % du marché.

AD : cela implique une nouvelle forme de travail ?

IR : de toute évidence. Notre organisation, c’est notre principale valeur ajoutée. _ Notre agence est petite mais structurée comme le sont les grands groupes internationaux : en réseau. Les clients sont partout. Il faut donc prendre le meilleur de la création dans chaque pays pour bénéficier du design le plus pertinent. Les achats d’opportunités vont se multiplier et notre rôle est de proposer aux sites de production, le design que le marché attend.