Design et écologie : coupables ?

Le designer packaging ne peut plus ignorer que le geste ultime d’utilisation d’un emballage est de le jeter dans un bac de tri sélectif. Il doit désormais être « éco-designer packaging ».

C’est une idée qui tient à coeur à Fabrice Peltier, le patron de l’agence de design P’Référence.

Responsables, bientôt coupables ?

J’éprouve de plus en plus de colère lorsque je vois traîner un packaging vide dans un caniveau parisien, où pire, en pleine nature. S’il s’agit d’une création de l’agence, ma colère est mêlée à un sentiment de honte. Je ne reconnais pas la qualité de notre travail, je n’en suis pas fier lorsqu’un consommateur mal éduqué s’en est débarrassé aussi négligemment. J’ai honte pour moi, ma profession, mais aussi pour mon client, quelle publicité désastreuse.

À qui la faute ? Bien sûr, une grande partie de la responsabilité incombe aux personnes irrespectueuses des règles élémentaires de propreté, voire de civisme. Mais les marques, les industriels et les designers peuvent-ils se dédouaner de toute responsabilité ? En tant que créateur de packaging, je ne peux plus ignorer ma part de culpabilité.

Nos créations, aussi exceptionnelles soient-elles, deviennent inexorablement des déchets. Nous devons donc prendre en compte cet état final de l’emballage et apporter des solutions créatives pour que le consommateur s’en débarrasse aisément, afin que le déchet soit recyclé ou valorisé.
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L’éco-design packaging, fait ses premiers pas.

Tout d’abord, il convient de bien faire la différence entre l’éco-conception et l’éco-design. L’éco-conception est une démarche industrielle, qui vise à minimiser les impacts sur l’environnement de sa production tout au long de son cycle de vie. En matière d’emballage, c’est une approche globale et multicritères qui s’opère dès la fabrication de la matière première nécessaire à la transformation, pendant toutes les phases de production, de logistique et de distribution du packaging. Puis, durant la période d’utilisation, jusqu’à son recyclage ou à sa valorisation lorsque l’emballage est devenu un déchet encombrant. L’exercice peut apparaître ingrat pour les équipes marketing des marques, car du côté des consommateurs, le résultat de l’éco-conception d’un packaging est souvent indétectable, invisible pour l’œil non averti.

L’éco-design, quant à lui, est l’intégration créative dans le design du produit des paramètres liés à l’éco-conception. Tout d’abord, le designer se doit d’incorporer dans sa réflexion les principes de base et les contraintes élémentaires : choix de matériaux à moindre impact sur l’environnement, diminution de la masse et du volume de l’emballage. Pour bien répondre à ces deux points, il est impératif que le créatif puisse travailler en amont avec l’industriel.

Car nous devons reconnaître que peu de designers s’intéressent aux directives Européennes et leurs décrets d’application. Loin de moi l’intention de leur jeter la pierre, j’en suis. Néanmoins, une bonne collaboration avec les producteurs de matériaux et les fabricants d’emballages permet de bénéficier largement de leur savoir et de leur compétence en la matière. Seule une bonne complicité et un métissage des approches permettent d’arriver à un résultat pertinent et novateur. Cependant, l’éco-design peut aller bien au-delà.

L’objectif ultime est d’offrir aux industriels et aux consommateurs des solutions pragmatiques et efficaces pour que le packaging, qui deviendra inexorablement un déchet s’inscrive, au mieux dans une approche de développement durable. Un packaging « éco-designé » est un packaging qui s’assume en tant qu’ordure à recycler ou à revaloriser !

Ne pas confondre les genres.

L’éco-design n’est pas de donner un « look » écologique au conditionnement. Ce n’est pas une question de paraître, ni un argument marketing pour les marques qui souhaiteraient jouer sur la fibre écologique des consommateurs. Le développement durable n’est pas un concept, c’est une nécessité bien réelle.

Les premières rencontres professionnelles du Design Packaging sur le thème du développement durable, organisées par l’INDP en avril dernier, ont démontré que la préservation de notre environnement est une préoccupation majeure du vingt et unième siècle. En matière d’emballage, il s’agit d’ores et déjà d’une réalité quotidienne pour les consommateurs.

Dire que le packaging est mal vu par les « écolos » est un euphémisme. Bien évidemment, le déchet le plus facile à éliminer est celui qu’on ne produit pas… C’est bien connu, mieux vaut prévenir que guérir. Les diverses campagnes de sensibilisation « anti-emballages » ont-elles l’effet escompté lorsque l’on observe l’évolution des modes de consommation qui privilégient les produits à usage unique, le prêt-à-consommer ? Moins d’emballages, certes, mais hélas, c’est un vœux pieux… La voie du milieu est dans les emballages encore plus faciles à recycler et à revaloriser.

Ordure ou matériau à recycler ?

Et si nous disions clairement aux consommateurs que l’emballage n’est pas forcément un déchet, mais de la matière première à recycler ? En quelque sorte une ressource renouvelable.
L’ensemble des participants de la journée « Packaging et Développement Durable » de l’INDP s’est accordé sur un point. Le consommateur manque d’information. Il n’y comprend rien. Il ne sait pas ce qu’il doit faire. Il ne sait même pas à quoi ça sert… Et en plus il paie, plusieurs fois et très cher !

Informer et former le consommateur au tri est devenu une priorité. Ce n’est pas uniquement aux auto-collants des containers de tri de nous donner la destination et le conseil. L’emballage doit aussi porter clairement l’information, car la question : « où je jète ? », se pose bien avant d’arriver devant sa poubelle. C’est l’option retenue par certains distributeurs dont Système U en tête, qui désormais donnent des informations claires sur le verso de leurs packagings.
Accepter que le geste ultime de la consommation d’un produit emballé est de le jeter dans une poubelle, c’est prendre en compte l’intégralité du cycle de vie du produit chez son consommateur.

L’assistance à jeter…

Il est désormais de la responsabilité du designer packaging de proposer des solutions créatives pertinentes pour aider le consommateur à mieux jeter. L’aider à moins encombrer ses bacs de tri sélectif en réduisant au maximum le volume du déchet d’emballage. L’aider à mieux reconnaître les différents matériaux et à les séparer lorsque l’emballage est composé d’éléments hétérogènes. Enfin et surtout, l’éduquer, l’informer directement sur le packaging.

C’est un devoir pour faciliter cette gestuelle en fonction des contraintes du tri sélectif.

C’est aussi une forme de principe de précaution pour que nos enfants n’aient pas à nous reprocher dans quelques temps d’avoir anéanti leur planète.