On se lève pour les Assises du design ?

Le 11 décembre 2019 a eu lieu la restitution des propositions issues des travaux des premières Assises du design. Dans l’ordre, voici la synthèse des points clés puis l’analyse qu’en avait faite l’hebdomadaire Design fax.

La grève des transports n’a pas freiné le remplissage du vaste Centre de conférence Pierre Mendès France, au ministère de l’Industrie et des Finance, où se tenait l’évènement. Il y régnait une atmosphère à la fois bienveillante et attentive, et c’est confortablement calé dans un siège à la vue imprenable que nous avons assisté avec intérêt à la synthèse des travaux de ces premières Assises.

Cette synthèse était précédée des discours de Sylviane Tarsot-Gillery, directrice générale de la création artistique au ministère de la Culture, Laurence Mégard, sous-directrice des industries de la santé, des biens de consommation et de l’agroalimentaire à la Direction générale des Entreprises du ministère de l’Économie et des Finances et Thierry Mandon, directeur général de la Cité du design. Tous ont affirmé leur volonté d’établir une véritable politique française du design. En fin de restitution, le ministre de l’Économie et des Finances et le ministre de la Culture ont conjointement clôturé la séance, en se prêtant au jeu des questions et des réponses. Les propos tenus par Bruno Le Maire et Franck Riester ont démontré, sans ambiguïté aucune, l’intérêt majeur qu’ils portent au design. Ci-après, les principaux éléments restitués, par grandes thématiques.

A. Valoriser le design. 

  • Initier et animer un réseau de coordination des acteurs territoriaux de la promotion fédérés par un label de type « Ambassade du Design »
  • Créer les « French Global Design Awards », prix à portée nationale et internationale, ayant pour objet de valoriser et promouvoir la démarche française en matière de design – au sens large
  • Organiser une « France Design Week », semaine du design ayant lieu sur l’ensemble du territoire, à destination de tous les publics
  • Adapter la politique de monstration des collections publiques du design afin de valoriser l’ensemble des formes du design contemporain

B. Intégrer le design dans la stratégie des entreprises. 

  • Placer le design au cœur de la stratégie économique de l’État, en intégrant davantage le recours au design dans le cadre du Programme Investissement d’Avenir
  • Le design : un grand dessein pour Bpifrance. Il s’agit de mobiliser et former davantage les responsables de Bpifrance afin de mieux prendre en compte la démarche design ; nomination d’un chief design officer 
  • Développer des dispositifs cohérents d’aides régionales en mobilisant les dispositifs nationaux et européens. L’idée est également d’intégrer le design dans les processus de redressement ou de restructuration d’entreprises en difficulté
  • Conforter les structures d’accompagnement au design dans les territoires 
  • Développer les rencontres entre entreprises et designers pour renforcer l’appropriation du design par les PME via des rencontres entre dirigeants, la mise avant de collaborations réussies entre entreprises et designers et des design sprints
  • Développer les formations en design dans les programmes de formations destinés aux salariés des entreprises, en créant notamment dans chaque OPCO (ndlr : Opérateurs de compétences) une formation design

C. Former au design. 

  • Réaliser une étude sur l’offre française d’enseignement supérieur en design
  • Créer une vitrine nationale annuelle présentant des projets de diplômes d’étudiant en design
  • Développer des rencontres entre jeunes designers et recruteurs dans les territoires
  • Disposer d’un diplôme Bac +8 reconnu par la communauté internationale
  • Développer la formation continue dans les écoles supérieures de design
  • Développer les approches pédagogiques d’initiation à la pratique professionnelle et à l’entrepreneuriat dans les écoles supérieures de design

D. Engager une politique internationale du design. 

  • Développer une signature internationale pour le design français
  • Favoriser la dimension internationale des entreprises, notamment des PME, par le design et les designers
  • Faire émerger une communauté de designers français à l’étranger
  • Doter la France d’un niveau de diplôme en design reconnu à l’international
  • Capitaliser sur l’expérience des métropoles pionnières dans la politique de valorisation internationale par le design

E. Ancrer durablement le design dans les politiques publiques. 

  • Développer l’innovation par le design dans l’action publique
  • Structurer et développer la formation des designers et la sensibilisation des acteurs publics au design

F. Structurer l’écosystème du design. 

  • Créer un Conseil national du design
  • Mobiliser le Programme d’investissement d’avenir sur des projets d’innovation par les usages
  • Lancer un portail national de services sur les ressources en design présentes dans les territoires (plateformes régionales)
  • Mesurer l’impact économique du design 

L’ensemble de ces propositions sont reprises en détail dans un cahier édité conjointement par le ministère de l’Économie et des Finances et celui de la Culture. Clair et didactique, il permet de naviguer par sujets clés. D’autre part, un site internet spécifique est consacré aux Assises.

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L’analyse Design fax.

Dans toute initiative visant à venir au secours d’une grande cause, ou qui entend donner de l’éclat à une cause qu’elle estime importante, apparaissent des sujets de satisfaction et – sinon ce ne serait pas drôle – des sujets d’interrogation. 

Les voici, ci-après, dans l’ordre.

Les sujets de satisfaction.

  • Il y a, avant toute chose, un plaisir certain a observer les acteurs de l’écosystème français du design travailler ensemble, avec une volonté non feinte d’écoute et de partage
  • Il y a ensuite, corollaire direct de ce premier constat, la prise en compte de toutes les réalités du design, culturelles, sociétales, artistiques ou économiques, sans que l’une ne prime nécessairement sur l’autre
  • Il y a aussi l’affirmation claire et nette, et en particulier au plus haut niveau de l’État, de l’importance du design comme levier de compréhension et de résolution d’enjeux majeurs, humains, environnementaux, sociétaux, technologiques ou industriels
  • Et puis, il y a des initiatives fortes, comme celle de constituer au plus vite un Conseil national du design – à l’instar de ce qui existe pour le numérique

En synthèse, la tonalité holistique de ces Assises, ainsi que la volonté d’apporter des solutions concrètes, sont des éléments incontestablement positifs qui laissent augurer une suite favorable

Voyons maintenant les sujets d’interrogation.

  • D’abord, la belle unité affichée par l’ensemble des intervenants va-t-elle perdurer, compte tenu des enjeux ?
  • Ensuite, du fait de la forte ambition des différentes propositions, les moyens nécessaires, notamment économiques – tant publics que privés –, seront-ils au rendez-vous ?
  • Enfin, les designers seront-ils bien au centre de cette transformation – autrement dit, en seront-ils les principaux acteurs ?

Mais ne boudons pas notre plaisir : ces premières Assises sont, pour l’instant, une réussite, et l’on ne peut que s’en féliciter.

Un article de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1134