De Lussac : hydrogène et jets

Thomas de Lussac, fondateur de De Lussac Studio, est un designer aux activités variées, de l’automobile à hydrogène en passant par les jets. Il nous en dit plus sur la façon dont il appréhende ses différentes passions.

Thomas de Lussac, comment allez-vous ?
T.D.L. Ça va bien avec toujours plein de projets qui s’accumulent. Dernièrement, nous avons lancé l’agence dans le domaine du design de jets. Cela résume un peu tout ce que l’on sait faire : le luxe, le mobilier et l’automobile. L’intérieur des jets est une suite logique de l’activité de l’agence qui a commencé il y a 25 ans. On a commencé à quitter le mobilier à partir des années 2008 avec notre séparation d’avec Roche Bobois et, grâce à cela, on a été moins submergé de travail et avons pu prendre du temps pour se diversifier et s’ouvrir à tous les domaines qui nous intéressaient. Pour information, nous sommes toujours basés à Paris. 

Qu’en est-il du projet NamX ?
T.D.L. NamX continue. C’est un projet qui demande énormément de fonds, et c’est d’ailleurs ce qui demande le pus de fonds sur la planète : une production en grande série dans le respect de normes draconiennes. D’autant plus que l’on a opté pour que les voitures fonctionnent avec des capsules d’hydrogène, ce qui rend la voie choisie d’autant d’autant plus difficile. On a en réalité deux projets, la fabrication d’automobiles, mais aussi la distribution de capsules d’hydrogène destinées à des automobiles, camionnettes ou scooters. Cette capsule a été conçue dès le départ pour les 2 et 4 roues, et pour une question d’échelle, et on a réfléchi à un format standard pour tout type d’engin motorisé comme des bateaux ou drones, la barrière étant bien sûr la taille de la capsule. L’hydrogène continue à se développer, mais cela n’est pas forcément clairement perçu au niveau du grand public. C’est un puzzle où toutes les pièces doivent être reliées. Il y a plein d’excellentes idées, mais il faut une économie de l’hydrogène complète. Le problème majeur étant bien sûr la recharge en hydrogène. Chaque station classique coûte 3 millions d’euros à construire et les autorisations à obtenir sont longues. Les capsules apportent une solution à cela un au principe du CapXstore : en une demi-journée, on peut amener un CapXstore quelque part et pour environ 30 000 euros. À l’échelle d’un département, cela signifie que si l’on veut rouler à l’hydrogène, il faut 30 environ points de rechargement de type CapXstore. Avec nos capsules, une seule station de chargement et des CapXstore, le coût d’infrastructure est de l’ordre de 10 fois moins élevé qu’avec un maillage traditionnel. Notre but est d’accélérer la mise en place des capsules en nouant des partenariats avec d’autres industries pour mettre des capsules dans des antennes-relais de télécommunication ou dans des camions de livraison en Amérique du Sud. 

Quelles sont vos ambitions pour les jets et pour les années à venir en général ?
T.D.L. Cela fait 10 ans que j’y pense. J’ai dû rassembler une équipe et j’ai rencontré le deuxième groupe mondial de gestion de jets, Luxaviation, et on a noué un partenariat pour la rénovation ou la conception de cockpits. C’est un projet que je trouve assez amusant et c’est aussi un nouveau challenge, car c’est un domaine très technique. Il y a très peu de matériaux validés pour l’aviation et il faut jouer avec. Et pour la petite histoire, mon père était pilote de voltige. De façon générale, je travaille surtout à la motivation et au plaisir de créer des choses nouvelles, comme le mobilier, ou le luxe. Je ne me fixe pas de limites en matière de secteurs d’activité tant que la partie créative est contributive en matière de réflexion et d’innovation. Je veux bien sûr continuer à développer NamX en travaillant sur les capsules et en fiabilisant toutes les applications que nous avons ciblées.

Votre vision du design français ?
T.D.L. J’ai l’impression qu’il a peu moins le vent en poupe qu’il y a 10 ou 15 ans, mais cela est peut-être dû au fait qu’il y a plus de designers et moins de stars. Cela dit, nous ne sommes plus les seuls au niveau créatif : il y a des écoles partout dans le monde et donc des designers talentueux partout dans le monde. Il convient donc de se concentrer sur ce qui fait notre force : le luxe et l’innovation, et notamment notre expertise pour lancer les idées. Autre phénomène : avant, le designer c’était en quelque sorte le gentil gars qui faisait un joli dessin et qui était vu de façon un peu condescendante par les autres métiers de l’industrie. Pourtant, le design est le plus gros levier de développement de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, de plus en plus de designers deviennent dirigeants et prennent en main le développement d’innovations. Le design est de ce fait utilisé à son potentiel. J’en suis l’expression complète avec mon investissement dans NamX, ce qui m’a amené à être confronté à des défis techniques et donc à devoir accroître ma compréhension des technologies nécessaires pour mener à bien mes innovations ainsi que rechercher les fournisseurs et les partenaires adéquats. Bref, une vraie démarche industrielle !

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1370