Human design Group : créativité et souplesse

Dominique Soler, CEO et fondateur de Human design Group, nous en dit plus de son parcours et sur l’activité de son entreprise “pionnier et leader français du conseil en ergonomie et facteurs humains”.

Dominique Soler, quel est votre parcours ?
D.S. D’abord une formation en sciences humaines, puis l’ergonomie et les sciences cognitives à Paris V, à l’Institut d’Henri Pierron. Ensuite, je suis allé à l’UTC en filière génie mécanique, spécialisation design industriel, sous la houlette bienveillante de Danielle Quarante que je salue ici. Tout cela m’a permis de travailler sur la convergence entre sciences humaines et design industriel, pour lequel je retiens principalement le processus de conception au sens anglo-saxon du terme. J’ai démarré ma carrière dans l’agence d’Alain Baillon (ndlr : qui a notamment travaillé avec Roger Tallon) où je suis intervenu sur la fin du projet du funiculaire de Montmartre. Par la suite, j’ai rejoint Bertin Technologies, avec une conviction en tête : l’approche holistique et les sciences humaines doivent constituer un driver fort de différenciation dans la phase de conception. Autrement dit, il y a, et c’est de plus en plus vrai aujourd’hui, un besoin de combiner les processus d’ingénierie de design dans une approche holistique, en mettant au centre l’utilisateur final. Au passage, permettez-moi une petite pique à l’intention de mes collègues designers : ils ne savent pas toujours réellement intégrer l’utilisateur – la seule observation n’est pas suffisante. En effet, les sciences humaines appliquées au design ont des fondements scientifiques profonds et établis et des  modèles existent pour comprendre les dysfonctionnements entre un humain et un produit. Mais, le plus souvent, il n’y a pas le corpus de connaissances scientifiques permettant une démarche objective sur la prise en compte de l’humain, et on passe donc à côté d’un bon levier de business model attractif et différenciant. J’ai toujours pensé que la première des choses que devrait savoir faire un designer, pour bien s’interfacer avec le monde des ingénieurs, est de dépasser les méthodologies surfaciques qui manquent de profondeur. J’estime que l’analyse fonctionnelle et le cahier des charges sont des préalables indispensables. Revenons à Bertin Technologies : j’y ai passé 27 ans à développer cette hybridation dont je vous parlais et à en faire une offre que j’ai portée. Ayant eu l’opportunité de sortir de cette entreprise, j’ai fondé Human design Group en 2018, toujours avec cette conviction de départ de faire converger sciences humaines, design et approches pluridisciplinaires. 

Quelle est exactement l’activité de Human design Group ?
D.S. Nous sommes des experts des sciences humaines appliquées au design pour opérer des transformations à haute valeur ajoutée, comme, par exemple, pour Stellantis afin de savoir quelles seront les expériences de demain dans les habitacles ou pour Airbus Group sur le design de systèmes des cockpits. On intervient là où l’humain est une source de risques ou encore là où l’on peut construire des modèles économiques performants. Dans les faits, on conçoit un design système à l’aide de 3 composantes : les interactions humaines avec des outils, notamment numériques, les espaces et l’organisation. Quand le système est du produit, on fait appel à des designers produit, et à des architectes pour les espaces. Human design Group ce sont aujourd’hui 130 personnes qui réalisent un chiffre d’affaires de 13 millions d’euros. Ces données témoignent du fait que notre raison d’être a trouvé son marché. On est très fiers d’incarner ce chaînon manquant entre les sciences humaines et le design dans sa dimension de conception. 

Comment voyez-vous évoluer votre secteur d’activité ?
D.S. Si on regarde l’expérience utilisateur liée à l’IA, on constate qu’il y a beaucoup d’initiatives qui sont déceptives. L’ancrage de la transformation des métiers par l’IA reste à établir pour le moment. Cela me surprend moyennement, car les cas d’usage ne sont pas toujours bien identifiés au départ, et, lorsque l’on fait l’effort de le faire, la valeur ajoutée paraît faible. J’ai connu dans les années 1990 les systèmes experts qui n’ont pas duré, mais le contexte n’était pas le même que celui de l’IA. En revanche, quand on regarde la recherche et le développement dans les grands systèmes et leurs transformations, comme la défense ou l’aéronautique, il y a beaucoup de projets qui ont recours à l’IA avec l’idée de fiabiliser les systèmes complexes en réduisant les charges cognitives ou en les rendant supportables. Le SCAF (ndlr : autrement dit, Système de Combat Aérien du Futur) en est un bon exemple : on travaille pour savoir comment un système à base d’IA peut venir aider l’utilisateur, tout en combinant efficacité et éthique, et tout cela en un quart de seconde. On travaille actuellement sur un futur centre de supervision d’une constellation de mini satellites avec l’idée de mettre sur pied des mini control rooms, en se posant la question de ce que l’on peut déléguer à la machine et sous quelles conditions, et là l’IA est très aidante. Cela démontre deux directions : une première direction d’augmentation des capacités des traitements ; une seconde direction d’optimisation de la performance pour un effectif donné d’utilisateurs. Cela étant, et dans tous les cas, l’IA ne fonctionne que quand le cas d’usage est parfaitement défini et que l’on sait précisément expliciter la plus-value attendue. 

Et pour ce qui concerne le design, spécifiquement ?
D.S. J’y vois également un axe de forte évolution, sur lequel nous travaillons d’ailleurs depuis 5 ans. Il s’agit de la simulation, et plus précisément de la simulation de cas d’usage. Il s’agit de créer une plateforme de réalité virtuelle pour bâtir un espace spécifique et y venir, avec nos neuroscientifiques, mesurer avec différents capteurs un certain nombre de charges cognitives. Le design peut travailler sur des simulations en amont, et mesurer des paramètres de performance : c’est efficace et relativement peu couteux. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1367