Fogo : un design chaleureux

Victor d’Halluin, cofondateur et CEO de Fogo, entreprise de solutions de chauffage, nous parle de son parcours ainsi que de ses ambitions pour Fogo.

Victor d’Halluin, quel est votre parcours ?
V.H. Je suis diplômé de l’ISD Valenciennes (ndlr : aujourd’hui Rubika) en 2011 et j’ai eu la chance de passer par les deux campus, celui de Valenciennes, et celui de Pune en Inde. Après mon cursus, je suis d’abord parti chez Philips, à Suresnes, pour travailler avec Bertrand Richez sur des téléphones. Puis, j’ai rejoint eliumstudio, où j’ai connu notamment Marc Berthier et Pierre Garner. Ensuite, je suis allé chez Teague à Seattle, agence dirigée par John Barratt, où j’ai croisé Clément Gallois et Benoit Colette. Après cela, je suis allé chez Carrefour, où j’ai passé 5 ans à construire, avec Philippe Picaud et Philippe Vahé, le design de l’entreprise, à l’image de ce qui avait été fait chez Decathlon – un univers de marque designé par les gens de Carrefour, pour les gens de Carrefour. Ensuite, j’ai créé mon entreprise, Obilab, des instruments de musique accessibles à tous, et j’y ai notamment développé une batterie en carton démontable vendue 100 euros. On a cédé cette société à des Anglais et je suis parti chez Bic pour monter le design et l’innovation dans le domaine de l’écriture, avec la mise en place d’un lab composé de designers et d’ingénieurs. On a poussé l’open innovation pour aller attraper des start-up innovantes dans le monde entier. Pendant que j’étais chez Bic, j’ai suivi une formation management de l’innovation à la Sorbonne où j’ai rencontré mon futur associé, Clément Houllier, et on a décidé de monter Fogo. Nous avions en effet découvert le potentiel de deux matières, le béton fibré à ultra-hautes performances (BFUP) et le graphène. On a breveté l’alliance de ces deux matériaux pour concevoir un radiateur très intéressant pour ce qui concerne l’échange thermique. Tous nos radiateurs sont personnalisables en dimensions, couleurs et textures. Je précise que le béton fibré présente une excellente inertie, avec un bon confort de chauffe, et que nous avons développé un environnement électronique permettant d’atteindre un niveau appréciable d’intelligence de la gestion énergétique.

Qu’en est-il de Fogo aujourd’hui ?
V.H. Nous sommes positionnés comme des fabricants de radiateurs intelligents et personnalisables. Nous proposons une gamme de produits économiques, confortables et plus performants que les radiateurs standards, sans compromettre l’élégance au quotidien avec ce qui pourrait rapidement paraître dépareillé dans un intérieur. On promet une économie de 40 % par rapport à un radiateur électrique conventionnel. Tout est fabriqué en France : le béton fibré à Strasbourg chez FEHR, la tôlerie à Nantes et les cartes électroniques à Tourcoing. Fogo est née à EuraTechnologies, est reconnue Deeptech, a reçu un Innovation Awards au CES 2023 et est labellisée par l’Institut Français du Design. Nos bureaux et notre showroom sont à Paris. L’entreprise comprend actuellement une dizaine de collaborateurs avec principalement des ingénieurs spécialisés en matériaux et systèmes embarqués, ainsi que des data scientist. On a commencé la commercialisation fin 2024 après 3 ans de développement R&D, le dépôt de 2 brevets et 1,3 million d’euros d’investissement. Nous produisons en ce moment environ 50 radiateurs par semaine avec une capacité industrielle nous permettant de monter à 1000 radiateurs par mois. Le prix public est en moyenne de 500 euros.

Quelles sont vos ambitions pour les années qui viennent ?
V.H. Fogo veut devenir un acteur majeur de la rénovation énergétique grâce à ses matériaux et à son intelligence de la gestion énergétique. En matière de production, on voudrait arriver à un volume annuel d’ici fin 2028 de 100 000 radiateurs, sachant qu’il y a encore en France un parc de 50 millions de radiateurs traditionnels à convection électrique. Notre ambition est de redonner ses lettres de noblesse au radiateur électrique, car, grâce à la production d’électricité décarbonée, les solutions électriques intelligentes ont un rôle majeur à jouer. Nous avons une volonté d’expansion européenne d’ici à 1 an et internationale d’ici à 2 ans, avec le marché nord-américain en ligne de mire où le potentiel est colossal.

Quelle est votre vision du design industriel ?
V.H. De façon générale, le design industriel est parfois trop éloigné des réalités du terrain : manque de vision concrète et rapport trop lointain à la matière. D’autre part, le design industriel n’est pas assez impliqué dans les ambitions des grands groupes et le designer industriel devrait jouer un rôle beaucoup plus important dans la genèse de start-up. Les designers industriels ont la capacité de donner vie à des entreprises comme ils savent donner vie à des produits. Le designer industriel ne joue pas que dans le virtuel : il est dans la matière.

Un message pour terminer ?
V.H. J’invite les lecteurs de Design fax à venir dans notre showroom parisien pour découvrir nos produits et nous challenger sur leurs besoins d’architecture, notamment en matière de rénovation.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1364