Vous avez dit… ego de marque ?

Les visions du métier sont rares et les nouvelles méthodes, encore d’avantage. Alors saluons la nouvelle méthode de Patrick Millet qui dans son agence Duetto, avec son compère Eric Phélippeau, cerne les composantes fondamentales conscientes et inconscientes d’une marque, qu’il appelle « l’ego de la marque ».
Les grandes idées commencent comme cela !

L’ego d’une marque ?

Des errements, des succès, des doutes ponctuent la vie des marques. Mais leur capacité à absorber une période difficile ou à anticiper un nouvel essor n’est pas le fruit de la seule volonté d’un directoire clairvoyant ou d’un capitaine d’industrie. Une marque possède une aptitude immatérielle à s’adapter à la réalité, ce que l’on pourrait appeler « l’ego de la Marque ».

Mesurer l’ego de la marque…

Cet ego est l’élément constitutif de base de l’individualité de la Marque. Il est incorporé en totalité à la fois dans les moindres de ses actions, dans le moindre de ses produits et influence de manière inconsciente l’ensemble des décisions prises dans l’entreprise.

En sommeil dans des marques semblant obsolètes il maintient celles-ci en vie, prêt à la moindre sollicitation, à leur redonner leurs auras de séduction. Nos outils marketing en donnent une silhouette approximative, et nous designers, nous en interprétons les manifestations. Mais l’ego d’une Marque reste insaisissable et il est difficile d’en mesurer la force autrement qu’en évaluant la capacité d’adaptation de la marque à la réalité de son environnement.

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Des egos qui ne meurent pas …

En 1987 Citroën à vu la mort de près. Son ego de marque à été touché. Le manque d’audace, de confiance et surtout le rapprochement avec Peugeot a faillit lui être fatal, même si sur un plan financier Peugeot l’a sauvée. On ne peut mêler deux egos d’une telle force, et il est absurde d’avoir imaginé qu’un même véhicule pouvait être signé par deux marques, ce que font pourtant certaines marques par ailleurs.

L’ego de Citroën ne s’est jamais retrouvé dans ces véhicules hybrides et co marketés.

Depuis, pour chacun des constructeurs le design des nouveaux véhicules a fait de nouveau battre les cœurs. De la rencontre entre design et ego, des instants glorieux ont ressurgis.
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_ Comme dans l’aventure Renault un design audacieux et inspiré est apparu comme le marqueur de regain de vitalité de l’ego. Où les designers puisent ils leur force créative ? sinon dans cette imprégnation de leur âme par cet ego , il doivent pouvoir le capter, le ressentir afin de pouvoir ensuite le sublimer.

En travaillant pour Renault, chez Duetto, nous avons ressenti quelque chose de difficile à expliquer : décidemment entre le premier véhicule fabriqué il y a deux siècles et le dernier concept car Be Bop. Tout a changé et pourtant, rien n’a changé….

Une méthode pour cerner l’ego d’une marque…

Tout ceci semble irrationnel ! et pourtant, avec Eric Phélippeau, associé et co-fondateur de Duetto, nous avons bâti une approche de la Marque… par son ego.
Nous ne travaillons plus sur un projet, ni en collaboration avec une direction marketing,, nous ne répondons plus à un brief sans procéder au préalable à une analyse pointue de l’ego de la marque.

Une Marque c’est du vivant ! Ce n’est pas tant une question de vocabulaire que de convictions personnelles et d’appréhension de notre métier.

Pour rendre compte de son ego nous utilisons d’abord les mots. Nous soumettons la marque à une série de questions :

qu’il y t-il de plus précieux en elle,

aime t-elle son passé ou

au contraire le renie t-elle ?

sait elle ce qu’elle veut,

est elle généreuse ou refermée sur elle ?

suscite t-elle le désir ?

Des premières réponses vont commencer à nous faire comprendre ce qu’est son ego. Puis nous utilisons des images . Nous remontons le temps, fouillons dans son passé, partons à la recherche d’éléments oubliés : premières architectures, premiers hommes, premiers produits, etc.
Enfin, nous avons aussi besoin de sons, d’odeurs, d’émotions.

Associer l’image, les mots et les sons, les odeurs…

Mettre des mots, des sons, des images, des visages ensembles, puis les cadencer, les animer et créer une musique afin d’obtenir au final un film d’une minute. Voilà ce qui pour nous va représenter et concentrer l’ego de la marque. Ce film sera notre ancrage, notre repère, notre camp de base et nous servira tout au long de la création.

Comme l’ego, le design est impalpable ; il est affaire d’intuition, de sentiments, d’histoire et d’émotions. Quand bien même, on aimerait pouvoir l’évaluer, il est d’abord un travail de l’esprit. L’ego des Marques influence le travail du designer et, celui-ci en retour, influence l’ego.

C’est de cette spirale vertueuse qui porte au sommet la Marque et le designer unis dans le même ego que viendra le succès.

Le succès n’est donc en fait que la prise de conscience, par l’ensemble du groupe social, de la puissance de l’ego d’une marque.

Et si toutes les compétences méritent d’être mises en œuvre pour renforcer l’ego d’une marque (et je pense bien évidemment à la publicité), le design n’en constitue pas moins l’une des composantes majeures.