Makoto Azuma : le designer fleuriste !

Il s’en passe de drôles de choses au musée du Design de Tokyo.

Marie-Agnès Boquien-Fresneau a joué le rôle de reporter pour les amis d’Admirable au sujet d’un certain Makoto Azuma, designer fleuriste, créateur d’ œuvres pour le moins surprenantes…

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Makoto Azuma ou la possibilité inconnue…

Tokyo. Roppongi octobre 2009. A l’intérieur du 21 21 Design sight, la forteresse-musée imaginée par Tadao Ando, l’exposition Tokyo Fiber Senseware bat son plein. Ici le blanc domine.

Histoire de chemin…

Au milieu des prototypes en fibres modelables, élastiques, moulantes, collantes, au milieu de mannequins qui respirent, des gouttes roulant comme des diamants sur des nano tissus, d’un mur de briques en béton translucide et des masques tridimensionnels, une touche de vert fait impression : un tapis de mousse, de celle qui honore le jardin japonais comme l’Angleterre la pelouse. Koké (苔) en japonais.

Un chemin d’intérieur monté sur des fibres biodégradables « low carbon », devenu au fil des jours terre d’asile de petits champignons. Une seule envie : se déchausser et plonger ses plantes… de pied dans le curieux paysage. Ce chemin est l’œuvre de Makoto Azuma dont la boutique discrète se fond au milieu des résidences cossues du quartier d’Aoyama.

Une boutique sans fleurs. Ici on vient d’abord en consultation, pour qu’on lise dans le secret de nos rêves, afin de repartir avec un bouquet unique au monde et dont le souvenir viendra contredire le caractère éphémère de son contenu.

Des fleurs communes ou rares, des formes inédites, un nid d’abeilles qu’on y incorpore…

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De la botanique sur-mesure, de la haute couture florale pour Colette, Hermes, Audi…

C’est en cherchant à devenir musicien que Makoto Azuma, est devenu fleuriste. Un petit boulot commencé il y a dix ans est devenu aujourd’hui sa raison d’exister.

Artiste ? Designer ? Azuma-san est tout cela pour nous, mais quand on lui demande de se définir, il répond : fleuriste.

«  Je suis une personne qui s’occupe des fleurs  » répète-il. A trente-trois ans, le « fleuriste » en question a déjà exposé ses œuvres dans les galeries et les musées, a récemment conçu un nouveau logo pour Adidas, conçoit depuis plusieurs années de surprenants arbres de Noël pour de grandes maisons comme Hermès, Audi, a décoré la vitrine de Colette à Paris, le flagship d’Issey Miyake à TriBeCa NYC.

De décembre à mai à Roppongi Hills on suivra la progression de son installation Bridge of plants, quand lui achèvera l’installation de son jardin japonais des temps modernes pour l’Exposition universelle de Shanghai :

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« multidimensionnel, avec des effets spéciaux  ». Coqueluche des jeunes créatifs japonais, modèle de réussite, notre fleuriste amoureux de ses fleurs garde les pieds sur terre, et se ressource quotidiennement auprès d’elles.

En 2007, devant la difficulté d’exposer du vivant dans les musées, Azuma loue une ancienne imprimerie dans les quartiers Est de Tokyo, non loin du musée d’Art Moderne et expose 24 projets à raison d’un par mois.

Dans sa galerie, Azuma-san s’amuse, expérimente des sculptures botaniques, détourne notre regard routinier porté sur la nature. On suit l’épanouissement d’une amaryllis qu’il a plantée dans du béton, on suit les épisodes de Shiki 1, Shiki 2, Shiki 3, une déclinaison autour d’un pin bonsaï, qu’il enferme par exemple dans un bloc de glace maintenu à température pour éviter le givre, lui-même à l’intérieur d’un congélateur spécialement conçu pour l’expérience.

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Les plantes comme médias…

Il confronte de la viande en décomposition avec une fleur qui finira par faner. Une « pensée » ! Car sans le savoir les pratiques d’Azuma Makoto poétisent avec la langue française !

A l’heure de la réduction de gaz dans l’atmosphère, du design vert, des éco bags et de la récup, notre artiste du XXIème siècle ne s’inscrit pas dans le message écologique à la mode. Ses installations à partir d’échantillons de nature, ses bouquets ne sont ni « citoyens » ni politiques. Azuma-san fait cœur avec les plantes, trompe les apparences, modifie notre vision. Il fait entrer la nature dans la maison, sur une paire de tennis, sur des flacons de parfum du projet très trendy Six scents ou sur une scène de rock comme à l’espace Eye of Gyre, une galerie d’Omote Sando où il a un jour improvisé à la guitare électrique au milieu des fleurs et des pédales d’effets.

La fleur, la plante deviennent ici media de la nature toute entière. Surprenant pour les Occidentaux, peut-être moins pour les Japonais pour qui la nature fait partie intégrante de l’existence.

Il explique aussi : «  les fleurs ne sont pas immortelles, alors il faut donner quelque chose qui reste dans le cœur des gens, le souvenir de la surprise vécue. Je cherche à planter un arbre dans le cœur de chaque être humain…  ».

Azuma crée de la durée avec de l’éphémère. Celui qui reçoit termine l’œuvre. Sa créativité donne la vie éternelle aux plantes. Et quelle créativité !

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