Lidl et cie, design discount ?

Des produits discount, des magasins discount et le design dans tout cela ? A-t’on encore besoin de designers qualifiés et expérimentés pour mettre des cartons et des caliquots dans un supermarché ? Ou pour créer des packs simplissimes et économiques ? La question mérite d’être posée.
Nicolas Chomette, nouveau directeur de l’agence B & G -ex Black and Gold- donne son opinion à Admirable Design.

Faut dire qu’après être passé chez Dragon Rouge, Carré Noir et Landor, il sait de quoi il parle !

Le discount, un avenir pour le design ?

Notre profession s’interroge sur les moyens de valoriser le design aux yeux
des marques pendant que nos clients livrent une lutte à mort avec les
marques de distributeur (MDD) et autres hard-discounters.

Ne nous trompons
donc pas de débat…


Toutes les études montrent la défiance grandissante des
Français envers les marques, tandis que les MDD et les hard-discounters
gagnent des parts de marché. Le panier moyen dans un magasin hard-discount vient presque de rattraper celui des hypers : 19,70 euros, contre 20,20 euros. Plus surprenantes encore sont les raisons qui poussent les
consommateurs à fréquenter les hard-discounts : le prix bien sûr, mais aussi
la clarté de l’offre et le temps gagné sur les courses en hypers.
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Devant des consommateurs différents…

Les distributeurs ayant raccourci leurs assortiments, les innovations se
recentrent nécessairement sur le coeur de compétence des marques, le coeur
des offres. Si les marques sont bien évidemment soucieuses de trouver des
relais de croissance, elles devront paradoxalement intensifier leurs
efforts, mener davantage de développements et essuyer plus d’échecs avant de
trouver la perle rare !

Cela va obliger les agences à plus de réactivité,
plus de compréhension des marchés, des envies et des enjeux économiques.
C’est pour cela qu’il me semble un peu vain de nous regarder le nombril et
de continuer à ressasser ce que Gérard Caron ou Joël Desgrippes avaient
découvert bien avant nous : le pack doit être impactant, bien sûr, il peut
être sensoriel évidemment, mais il est d’abord et avant tout une réponse aux
envies identifiées des consommateurs. Or il semble bien que ceux-ci aient
changé…
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C’est sur la nature de ce changement et sur ses conséquences profondes et
durables que la profession devrait débattre : valoriser mais jusqu’où ?
jusqu’où « stretcher » une marque ? jusqu’où peut-elle rester pertinente ?
quel rôle peut-elle jouer dans ce nouveau contexte ? jusqu’où le
consommateur est-il prêt à payer le surcoût identifié ou pressenti du
packaging ? de la marque ? quels sont les bons arguments à mettre en avant ?
la santé en fait-elle partie ? pourquoi faut-il être écologiquement correct
 ? Etc.

…et qui consomment différemment.

Si les Français consomment différemment, ça ne signifie pas qu’ils
consomment moins. Si les Français se détournent des marques nationales, ça
ne signifie pas qu’ils ont renoncé à se faire plaisir.

Aujourd’hui, l’enjeu
n’est plus le besoin (depuis longtemps), ni l’attente (trop de fausses
promesses) mais l’envie… Quelle formidable opportunité pour les agences de
design ! Les produits proposés par le hard discount apparaissent souvent
comme des copies des « grandes marques » : comment s’étonner alors qu’on les préfère ? Mais le hard discount peut aussi être à l’origine d’innovations :
Ikea, H&M… Le hard discount n’est pas le diable !

La consommation va de
plus en plus se structurer aux extrêmes : le luxe, le cher, le rare, le très
bon, d’un côté ; le pas cher, le quotidien, le contrat de base, de
l’autre… Les envies concernent les deux pôles de consommation.

A nous
(marques et agences) de savoir y répondre. C’est certainement ce que nous
avons de mieux à faire aujourd’hui.”