Le Mondial 2008 et le design automobile…

L’automobile a toujours fait rêver les designers… le Mondial de l’Automobile 2008 en a été une preuve éclatante… malgré les inquiétudes économiques environnantes. Deux jeunes talents s’y sont particulièrement distingués : Benoît Cohen et Sacha Lakic, qu’Elisabeth Damour – du cabinet Suivi d’Effets – les a rencontrés pour Admirable Design…

Héméra PGO Automobiles

Vu au Mondial 2008…

Au Mondial de l’Automobile les modèles petits mais riches en solutions alternatives se taillent un beau succès. Dans cet environnement, L’Héméra de PGO Automobiles semble encore plus impertinente et la Volage de Venturi pleine d’audace. Ces prototypes de grande classe sont l’expression de deux designers. Invitation à découvrir deux expériences du métier de designer…

Benoît Cohen et le cabriolet Cévennes

Benoît Cohen, au sortir du Strate College en 2004 vous avez intégré PGO Automobiles.
Vous êtes designer et avec une petite équipe de quatre personnes vous avez développé le coupé Héméra en sept mois. Quel processus de création vous a permis de réaliser un tel défi.
‘Le Directeur du Design, Loïc Perois qui vient des Ateliers, est membre du Directoire : j’ai travaillé directement avec lui et cette proximité m’a procuré la réactivité dans les prises de décision. Cela a était un critère important dans la réussite d’un projet dans un délai aussi court.
Pour cette nouvelle expérience, l’Héméra est un coupé qui vient élargir la gamme de PGO Automobiles constituée de cabriolets, j’ai eu carte blanche sur le style. Une chance n’est-ce pas ! Tout d’abord, j’ai fait des recherches de style à la main. J’ai fait évoluer un dessin que j’avais réalisé auparavant, notamment pour la forme arrondie de la lunette arrière. L’étape suivante a permis de figer le style et de se prononcer sur cinq projets : une piste seule a ensuite été développée en maquette.’
Héméra PGO Automobiles

La cinématique de la lunette développée en interne est étonnante. Cette bulle de verre signe la personnalité de l’Héméra en lui apportant une note poétique. La lunette arrière a été le sujet de discussions animées, car cet élément est audacieux et donc onéreux : ‘C’est aussi la place du designer d’aller jusqu’au bout de sa vision et de faire preuve de conviction’ me confie Benoît.
‘Je touche à beaucoup de choses, dans la globalité du projet : je travaille directement avec les fournisseurs sur les couleurs matières, notamment pour les peintures’.
Une vision globale et le souci du détail et de la finition se retrouvent aussi bien à l’extérieur que dans l’habitacle de l’Héméra où se côtoient des univers sensoriels différents. Ce qui frappe c’est le ciel de toit, avec un éclairage intérieur indirect qui procure une luminosité douce et diffuse : il est vrai que Héméra veut dire lumière en grec. Il n’y a pas de toit transparent comme c’est la tendance, car la voiture est petite et il y ferait trop chaud, nous explique Benoît. L’ambiance du plafond est en décalage avec l’univers de la console qui reste sportive et met en valeur un beau travail de sellerie.

La conception de l’Héméra est une leçon de hardiesse ‘L’Héméra est une prise de risque créatrice, avec des parti pris que certains apprécient et que d’autres n’aiment pas’.
‘On me dit que c’est une voiture féminine, comme les autres cabriolets qui ont des galbes généreux’. Benoît est heureux qu’on lui dise que l’Héméra est une belle réussite. Pour lui, c’est un ‘modèle un peu haute couture’, dont il n’y aura que 200 exemplaires produits par an après son homologation en avril 09.

‘J’ai grandi dans l’automobile (mes parents étaient agents Renault) et durant mes études de design, je voulais faire du design produit autre que la voiture. Mais en fait, ma passion est sur les voitures…’ On peut témoigner aujourd’hui que cela semblerait lui réussir !
Sacha Lakic et la Volage de Venturi

Quelques mètres plus loin sur le stand Venturi, Sacha Lakic, tout de noir vêtu, me fait les honneurs du stand dédié à la couleur blanche.
On connaît le nom de Sacha Lakic pour ses contributions remarquées dans le monde du mobilier chez Roche Bobois notamment, dans l’architecture pour une brasserie monégasque par exemple. Au Mondial, on retrouve un homme passionné par la technologie et les projets qui ont du sens sur deux ou quatre roues.

Sacha est un homme disponible qui parle volontiers des personnes, de ses mentors et des événements qui ont fait de lui la personne qu’il est aujourd’hui. A l’âge où les enfants jouent avec des petites voitures, Sacha lui les dessinait. Curieux de tout, il s’intéresse au design industriel, mais aussi à l’architecture et à la photographie.
‘C’est Paul Bracq qui m’a formé au design. Chez Peugeot à Poissy, je faisais une formation de modeleur et j’aimais travailler la clay (argile) car j’aimais voir naître les choses sous mes doigts.
Paul Bracq disait ‘un designer doit savoir créer avec ses mains’.
Plus tard, Sacha travaille dans l’agence de design d’Alain Carré, qui lui apprendra ‘que tout se dessine’. Par la suite, les six ans où il sera responsable du design chez MBK Industrie constituent une expérience incomparable. Venturi Volage

‘C’est là où je me suis aperçu que j’étais fait pour être designer. J’adorais travailler avec les ingénieurs, avec les gens du marketing, avec ceux qui s’occupent du produit que je dessine. Je les respecte, j’adore leur travail. Cet échange vécu chez MKK au Japon avec les ingénieurs japonais m’a profondément marqué. Je me suis senti comme un poisson dans l’eau au Japon, dans ce pays où le dialogue est une dimension culturelle essentielle.’

En 1993, alors qu’il propose dans le cadre de MBK des prototypes de vélos et motos futuristes, Sacha est très sollicité. ‘Mais j’avais fait le tour’ et sentant qu’il lui faut passer à autre chose, il se décide à créer son propre studio, SLD à Paris.
L’année 2002, marque le début de la collaboration de Sacha avec Gildo Pastor, le Président de Venturi, l’écurie monégasque. La marque de voiture de sport se repositionne sur un concept inédit : la voiture de sport électrique.
‘Personne n’y avait pensé auparavant : le véhicule est silencieux, il est performant, a une bonne tenue de route et offre un grand plaisir de conduite : la conduite est même simplifiée’. Venturi Volage

Les prototypes Fetish, Eclectic, Volage offrent plus que de l’esthétique, ils proposent des avancées technologiques. Le concept Fetish qui sera commercialisée en 2009 apporte une solution à l’incorporation des batteries : la batterie est encapsulée au centre du véhicule et procure un centre de gravité bas et donc une bonne tenue de route.
Le concept Volage commercialisable en 2012, présente une innovation majeure. La voiture n’a plus de moteur ! Mais quatre moteurs électriques logés dans chacune des roues avec les systèmes d’amortissement et le freinage. C’est l’‘Active Wheel’ développée en collaboration avec Michelin : fructueux rapprochement pour Sacha qui ‘ ne conçoit pas le travail de création sans les ingénieurs’
L’absence de moteur central apporte une relecture au prototype puisque celui-ci n’a plus besoin de châssis. Avec ses portes en élytres, la Volage se déploie comme une voile dans un ondulant mouvement d’une grâce infinie.
Pour conclure notre entretien,
Sacha en homme discret qui préfère parler des produits qu’il crée plutôt que de lui-même, conclut ainsi notre entretien : ‘Je suis fier de travailler sur des projets qui ont un fond. C‘est ce qui me passionne pour travailler avec Venturi. Ces projets ont un sens.’

Une belle profession de foi…