La fin des communicants ?

En ce moment les métiers des communicants n’ont pas bonne presse du tout ! Un expert renommé Alain Meunier, en performance collective ( cabinet Level Up) a concocté pour Admirable un papier redoutable qui ouvre large, mais les designers doivent se tenir informés et… avoir des vues larges !
On pense bien entendu aux mensonges sur l’Irak, ceux de Tony Blair… et des autres, et récemment la scandaleuse absence d’éthique d’un groupe comme Wolkswagen pourtant facilement donneur de leçons…

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Pour en finir avec les « communicants » ?

Ah ! les spin doctors…
Pas un jour où un responsable politique ou d’entreprise, ne se fasse épingler pour avoir appuyé son propos sur des analyses, chiffres, faits… démentis par ses confrères ou des experts. Toutes ces communications sont pourtant établies par des communicants mais leur pratique est devenue étourdissante. À force de tourner le message, de changer l’angle de vue, les « spin doctors » nous ont fait perdre notre sens de l’équilibre et du réel. Ils sont progressivement passés de rechercher l’angle de présentation le plus favorable à aménager la réalité pour mieux servir leur propos. D’ailleurs pour le Larousse un communicant est « une personne qui communique efficacement, qui sait imposer au public son image ou son message ».

Nos vieux professeurs, qui ne savaient pas parler de communication sans nous parler de processus, de récepteurs et d’émetteurs, n’en reviendraient pas de ce que nous avons fait de leur enseignement. Il s’agissait alors de trouver le meilleur itinéraire cognitif à faire suivre à notre récepteur afin de de lui transmettre sans déformation notre message voire de le convaincre. Aujourd’hui, le poids donné au récepteur a disparu comme le mot lui-même. Aujourd’hui seul l’émetteur existe. Le processus de communication a lui aussi disparu. Aujourd’hui nous avons une personne qui « impose » son image ou son message. L’analyse du récepteur devenu le public est inutile. Communiquer efficacement est devenu imposer.
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Les faits, le réel n’intéressent plus personne. La rationalité d’hier est remplacée par la relativité individualisée. Le réel n’est qu’au service de celui qui veut imposer sa pensée. À lui d’y piocher ce qui arrange ses intérêts et d’éviter soigneusement de mentionner ce qui les dérange, voire pour aller plus vite, directement d’inventer « sa » réalité. A force de la répéter, il en restera quelque chose d’effectif. Le discernement, l’objectivité factuelle ne sont plus des quêtes contemporaines. Mais il ne s’agit jamais de mensonge, juste d’un aménagement, d’une façon habile, efficace de présenter les choses.

Tout cela à une époque où internet nous permet de tout savoir, d’interagir et de réagir. Mais hélas, contrairement à nos espoirs Internet, comme le propose Gérald Bronner dans « La démocratie des crédules », ne permet pas d’éduquer, ou de renforcer la vérité, mais plutôt de trouver plus facilement des raisons de continuer à avoir nos croyances, même si celles-ci sont complètement erronées et démenties par les faits et les connaissants.
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Photo du site « Fonds pour le journalisme

Dans l’entreprise aussi !
Il ne s’agit pas que de la sphère politique. Dans l’entreprise, la pression d’efficacité, le temps accéléré, le cloisonnement des métiers, l’individualisation des objectifs… nous incitent à ne pas prendre le temps de faire des analyses factuelles. Les responsables croulent sous les indicateurs et les analyses depuis Excel et Powerpoint. Dans les réunions, chacun a son chiffre ou son analyse préférée. On décide sur des données partielles et partiales. On confronte des « réels ». Plus personne ne prend le soin de vérifier les bases, les périodes, de discerner corrélation et causalité. La recherche de la réalité est devenue un débat impossible et trop consommateur de temps et de moyens. L’idéologie, la croyance, le critère du favorable à court terme l’emportent. La taille de l’entreprise, la complexité et la mondialisation éloignent, chaque jour un peu plus, la majorité des décideurs du terrain et des faits. L’imposition d’une perception momentanée de la vérité devient souvent salutaire pour tous et signe d’efficacité décisionnelle.

Seulement, tout cela a un prix énorme  : la perte de confiance, de crédibilité et de d’engagement des récepteurs (salariés, électeurs ou clients). L’aménagement des faits à son avantage et l’inflation des mots conduisent à très court moyen terme à la perte de sens et d’adhésion. Le washing, qu’elle qu’en soit sa couleur, le window dressing ou le bashing sont plus aisés et moins cher avec internet mais pas plus efficaces à changer le réel. Les faits sont toujours aussi têtus. Ils persistent à être malgré nos efforts à ne pas les reconnaître. Et surtout les conséquences de nos communications, pour celles qui sont traduites par des actes, sont elles bien réelles et durables. On n’impose pas au public, on lui expose et on s’expose. Les scandales récents ou en cours, illustrent à nouveau que le coût final, que ce soit en terme d’image ou de réparation, est sans commune mesure avec ce que l’on a pensé gagner en privilégiant l’aménagement de la vérité. Alors au final pourquoi ne pas aménager les propos de Rabelais affirmant que : « communication sans conscience n’est que ruine de l’âme » et décider d’en finir avec les « communicants ».

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